La rencontre européenne des frères carmes étudiants, rassemblant près de 120 jeunes frères et formateurs, avait lieu cette année à Lisieux, du 26 août au 1er septembre. En ce 8e Centenaire de la rédaction de la Règle du Carmel, le thème était tout indiqué, décliné par des conférenciers de qualité, dont deux de nos frères (P. Dominique Sterckx et Philippe Hugelé), sœur Christine, prieur du Carmel du Havre, et le Père Salvador Ros Garcia, carme de Castille. Ces rencontres ont lieu depuis 15 ans selon un rythme trisannuel : 1992, en Espagne ; 1995, en Allemagne ; 1998, en Pologne ; 2001, en Italie ; 2004, au Portugal. Parmi les 23 Provinces participantes (sur les 28 que comporte l’Europe) nous avons demandé à trois d’entre elles de nous donner un écho de ce qu’elles ont pu expérimenter au cours de ces journées.
Témoignage de la Province de Castille
Frère Gérard-Marie : Vous avez participé à la 6e rencontre européenne des étudiants du Carmel déchaussé. Comment avez-vous vécu cet événement ? (thème, conférences, échanges, rencontre avec les autres Provinces).
Père Miguel Marquez maître des étudiants de Castille et prieur du couvent de Salamanque : Pour tout dire, il faudrait préciser que le bilan a été très positif et nous sommes retournés heureux d’avoir vécu avec d’autres religieux carmes la vie fraternelle, l’oraison, l’espérance. Ces rencontres dilatent l’âme et nous aident à connaître et aimer la famille du Carmel, à reconnaître nos limites et à s’instruire de perspectives et de points de vue autres qui viennent nous enrichir. Le cadre de la rencontre était formidable et nous avons éprouvé beaucoup de plaisir, nous tous qui venions d’Espagne. Nous remercions beaucoup la Province de Paris pour son accueil cordial et fraternel, puisqu’il nous est apparu clairement qu’en tout instant de la rencontre nous nous sentions chez nous, et c’est ce que vous nous avez fait ressentir.
Fr. G-M : Pour vous, formateurs et étudiants de la Péninsule ibérique, l’organisation de ces rencontres durant le temps de la formation vous paraît-elle importante ?
P. Miguel M : Ces rencontres sont importantes pour les étudiants et les formateurs parce qu’elles nous donnent une vision plus large de la vérité de notre visage et de notre identité de carme déchaux. Les étudiants expérimentent avec d’autres frères l’unité et la différence. Nous observons que rencontre après rencontre se crée et se développe un climat de complicité capable de surmonter les différences extérieures. C’est un chemin de communion, la parabole de ce que nous sommes invités à vivre réellement pour notre époque et pour ce monde dans lesquels le Seigneur nous donne de vivre.
Fr. G-M : Pour vous carmes déchaux d’Espagne, fils issus de la terre mère du Carmel thérésien, quel intérêt revêt ce type de rencontre ? Quels sont les aspects importants de ces rencontres qui, à vos yeux, pourraient éclairer votre action, votre présence carmélitaine et votre mission actuelle dans votre pays ?
P. Miguel M : Nous autres, en Espagne, nous vivons quotidiennement à proximité des lieux thérésiens et sanjuanistes, et sommes, de fait, familiarisés avec la lecture de nos saints que nous lisons dans la langue qui fut la leur ; nous marchons sur les chemins qu’ils ont empruntés et vivons dans les lieux qu’eux-mêmes ont connus, mais cela ne nous garantit pas pour autant un vécu plus authentique du charisme du Carmel, bien que nous souhaitons vivement y être fidèles. En ce sens, voir différentes façons d’envisager le charisme de Ste Thérèse et de st Jean de la Croix, être témoin de son universalité et voir ces formes accessibles à notre propre expérience nous aide et nous instruit beaucoup. Le sérieux et la profondeur avec lesquels nous voyons le charisme s’incarner en d’autres pays nous interpellent également, et en de nombreuses occasions, nous nous sommes sentis invités à apprendre et à accueillir ce qui nous parvient d’autres Provinces du Carmel comme autant d’exemples pour actualiser le charisme dans notre pays.
Fr. G-M : Selon vous, le choix de Lisieux et de la Normandie (cité et province de la « Petite Thérèse ») a-t-il contribué au climat de cette rencontre. Pourriez-vous en dire les raisons ?
P. Miguel M : Je crois que le choix de Lisieux fut un choix formidable et nous nous sommes sentis comme enveloppés dans l’esprit de Thérèse de Lisieux ; c’est pourquoi la visite du Carmel, plus spécialement, a été un moment d’intense émotion et de bouleversement intérieur. Quant à la Normandie, elle est un lieu qui résonne dans le cœur des Espagnols avec un attrait particulier, et sur ce plan, personne ne s’est senti déçu, bien au contraire.
Fr. G-M : Alors que nous nous trouvons à Lisieux, rapprochons un instant sainte Thérèse de Jésus et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : vous, frères de Castille, quel commentaire feriez-vous sur ce rapprochement ?
P. Miguel M : Il y aurait beaucoup de choses à dire à propos de Thérèse de l’EJ. Sa spiritualité a marqué, influencé beaucoup d’entre nous : elle a modifié chez certains la manière de comprendre la vie spirituelle, de comprendre Dieu ainsi que notre relation avec Lui ; la confiance et l’audace pratiquées par Thérèse de l’EJ en sont des exemples frappants. Nous croyons que sa « vie cachée » ne cesse d’être un miracle et a constitué une révolution dans l’histoire de la spiritualité. Nous voulons continuer à apprendre d’elle à vivre concrètement (comme elle) le charisme de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix. Il ne nous reste qu’à rendre grâce au Seigneur qui nous a fait don de « Teresita », et la remercier elle-même de s’être lancée, risquée dans la Voie de l’Amour.
Fr. G-M : Considérons l’Eglise de France. Vous l’avez un peu entre aperçu. Il y a eu à cet égard, la rencontre du recteur de la Basilique et de l’évêque de Bayeux-Lisieux, l’Eucharistie à la crypte de la Basilique avec le Père Général et les pèlerins, majoritairement français… Expérience brève, certes. Toutefois, pourriez-vous nous partager vos impressions ?
P. Miguel M : Nous avons également goûté ce temps de rencontre avec le Recteur de la Basilique (Mgr Lagoutte) et avec l’évêque de Bayeux-Lisieux (Mgr Pican) que nous avons perçus comme des personnes proches et très cordiales, joyeuses et familières. De même, la rencontre avec le Père Général fut très bonne. L’Eucharistie dans la crypte de la Basilique fut un moment de célébration intense et de communion dont nous rendons grâce. Les chants des frères français nous ont éblouis par leur beauté. Ce fut, d’une façon générale une expérience de grâce qui nous accompagne à présent ; aussi, nous renouvelons nos remerciements à tous ceux qui l’ont rendue possible. En frère de Castille, je profite de cette occasion pour vous dire que vous pouvez considérer chacun des couvents d’Espagne comme votre propre maison.
Témoignage des frères carmes du Liban (P. Michel Abboud, formateur)
Le carmel est né en Orient. et son centre se trouve à Rome, en Occident. Venir du Liban pour participer à l’assemblée des étudiants européens c’est vivre ces deux réalités. Nous ne sommes pas européens, mais notre formation elle, l’est. Dès son commencement, en 1642, notre Province vit cette ouverture à l’Occident, d’autant plus qu’elle a été fondée par la Province de Rome. Aujourd’hui, presque tous nos frères viennent étudier en Europe, en particulier au « Collège international » à Rome, afin d’y faire des spécialisations ou participer à des congrès. Nous avons aussi un grand lien avec la France puisque notre pays est francophone.
Au Liban, nous vivons la richesse du christianisme par la diversité des Eglises et des rites : l’Eglise orthodoxe et l’Eglise Catholique. Dans ces deux Eglises il y a plusieurs rites : maronite, latin, syriaque, byzantin, arménien, copte…etc. ; et les étudiants carmes, pourtant tous issus de ces rites orientaux, vivent, dans l’Ordre du Carmel, le rite latin, et sont considérés par les autres Eglises comme des latins, donc occidentaux. Tout cela exige d’acquérir dans la formation cet esprit d’appartenance à l’Ordre pour une part, et de s’intégrer dans la réalité orientale d’autre part.
Les rencontres que l’Ordre organise au niveau international ont une grande importance dans la vie de nos étudiants surtout pour développer en eux le sens de l’appartenance à une grande famille qui est le Carmel, et leur montrer que chaque Province n’est pas une île indépendante en soi, et que tous ensemble nous formons une seule famille. La participation de nos étudiants libanais à cette rencontre est d’un grand profit pendant leur formation : elle leur permet de vivre l’esprit international de l’Ordre et de savoir que malgré les distances qui séparent nos Provinces, nous buvons tous à la même source, nous recevons la même grâce et vivons les mêmes défis. C’était une grâce de se rencontrer, surtout à Lisieux, chez Thérèse qui a eu une grande influence sur la vocation de plusieurs de nos étudiants.
Nous remercions du fond de notre cœur la Province de Paris pour son accueil chaleureux, et pour l’organisation parfaite de chaque étape de la rencontre qui a été une source de richesse à tous les niveaux. Ces rencontres sont importantes pour ne pas dire indispensables pour la formation carmélitaine. Il faut les considérer comme un devoir à accomplir envers les étudiants et une grâce à vivre. Dieu nous a appelés, et Il nous donne la persévérance pour être fidèles à notre vocation, car Il est toujours présent parmi nous.
Témoignage des frères carmes de la Province de Varsovie (P. Ernest ZielonKa, formateur)
Songeant à la récente rencontre des étudiants à Lisieux, la première impression qui me revient à l’esprit (presque constamment) est l’hospitalité et la cordialité de nos frères français. Le climat fraternel nous est apparu dès les premiers instants, le seuil de l’Ermitage sainte Thérèse à peine franchi. Nous sommes d’ailleurs arrivés en retard, très fatigués par le voyage, mais le sourire du Père Didier-Marie (le Père Provincial de Paris) nous a détendus et soulagés, nous introduisant ainsi merveilleusement dans la fraternité européenne du Carmel.
Je soulignerai plusieurs points. Certes, le rassemblement de Lisieux était centré sur le thème de la Règle du Carmel, mais dans un premier temps nous nous sommes tous laissés accueillir par le lieu, par le visage et la présence de la « Petite Thérèse ». C’est une grâce qu’on ne saurait comparer à aucune autre chose. D’une certaine manière, nous avons approché la « Petite Thérèse » à travers nos sœurs actuelles du Carmel de Lisieux. Leur ouverture de cœur nous a fait entrer dans le cœur de Thérèse, dans sa simplicité et son amour sincère et décidé à l’égard du Seigneur. Cette réalité féminine s’est en fait prolongée durant tout le temps de la rencontre grâce à la présence vraiment discrète et mariale de sœur Christine, prieure du Carmel du Havre qui nous a exposé son approche de la Règle du Carmel.
Le dernier aspect qu’il me semble devoir souligner est le climat de prière qui a accompagné toute la durée de notre séjour à Lisieux. Certainement, ce climat était favorisé par la grâce du lieu, mais il est dû également à l’engagement de chacun des participants. Nous étions vraiment une grande communauté non seulement fraternelle mais priante.
Nous vous remercions tous, chers frères de la Province de Paris, qui avec tant d’amour et d’application avez préparé ce temps de communion, de fraternité et de prière commune.