« Venez, suivez-moi », dit Jésus.
Il dit cela par deux fois, en marchant su bord de la mer de Galilée, et quatre hommes les suivent, quatre hommes qui vivaient de la pêche. Mais l’appel de Jésus nous concerne tous. Dans notre vie à tous et à toutes, Jésus est passé et il passe, en disant : « Viens, suis-moi ! » Que nous soyons mère de famille ou religieuse, artisan, employé ou moine, l’évangile d’aujourd’hui fait retentir dans notre vie, et donc dans notre cœur, l’appel de Jésus.
Essayons donc de comprendre, à partir de l’exemple des Apôtres, ce que le Maître attend de nous.
Il est clair, tout d’abord, que c’est Jésus qui appelle. Les maîtres, les professeurs, les gourous, on les choisit soi-même, parfois entre cent ; mais avec Jésus, c’est différent : il prend l’initiative, il passe, il s’arrête, il invite : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, dira Jésus lors du dernier repas ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez, vous, et que vous portiez du fruit » (Jn 15,26).
Ce n’est pas nous qui avons fait un cadeau à Dieu, qui avons fait à Jésus l’honneur de le suivre, mais lui qui nous a fait suffisamment confiance pour nous prendre à son service.
Quand Jésus appelle, il nous faut accepter certaines ruptures. C’est là un deuxième enseignement que nous suggère l’exemple des premiers apôtres.
Ils ont quitté les filets, la barque, leur père dans la barque. Ils ont vécu là une rupture avec le métier, les habitudes, le gagne-pain et une certaine forme de sécurité. Ils ont dû accepter de lâcher l’avenir prévu, préparé, et les filets apprêtés pour la pêche selon des techniques longuement éprouvées ; et cela pour suivre Jésus.
Suivre Jésus, pour nous comme pour les apôtres, c’est marcher derrière lui, aller où il va, travailler là où il travaille, à son œuvre de rédemption, accueillir ceux qu’il accueille, et chercher ce qu’il cherche : des adorateurs pour le Père.
Mais si Jésus amène dans nos vies certaines ruptures, il s’occupe, lui, de la continuité. Nous resterons des hommes de la pêche, mais nous pêcherons avec le Pêcheur d’hommes. Jésus nous demandera souvent une transposition de tout notre agir ; il fera servir nos capacités, mais à un autre niveau, celui du Règne de Dieu en marche. Rien ne sera perdu du passé, de l’amour de la mer, du savoir-faire acquis dans la barque de Zébédée, et pourtant il faudra tout réapprendre, à l’école du nouveau Maître.
À travers les ruptures, c’est bien notre vie qui continue, notre réponse personnelle à Jésus ; mais pour chacun/e d’entre nous l’appel de Jésus demeure un mystère.
Parfois nous l’entendons de loin, comme une voix qui n’arrive pas à se faire entendre, couverte qu’elle est par la rumeur du désir ; parfois nous la percevons en nous comme un murmure, comme un ruisseau discret, mais inlassable, ou encore il nous parvient comme le souvenir vivant d’un grand oui déjà prononcé, comme le rappel paisible de la première rencontre.
C’est le mystère des choix de Dieu, de Dieu qui est libre, divinement libre, et qui sait à la fois le bonheur qu’il nous offre et le grand raccourci qu’il nous propose.
Tous nous sommes appelés ; nous sommes conviés à travailler à plein temps dans le champ du Père, à moissonner, ou à glaner, dans la moisson de Jésus.
Qui que nous soyons, nous pouvons rendre ce témoignage que les moments où nous sommes le plus fidèles à cet appel sont dans notre vie les instants ou les périodes de plus grande plénitude. Savons-nous, voulons-nous suffisamment offrir ce témoignage à ceux et celles que le Christ met sur notre route, spécialement les jeunes qui veulent donner un sens à leur vie ?
Sans doute ont-ils besoin, plus que jamais, pour répondre à leur tour à l’invitation de Jésus : « Viens, suis-moi ! », de voir en nous des appelés heureux, des baptisés qui n’ont pas été déçus dans leur amitié avec le Christ, bref des passionnés de Jésus Seigneur.
Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.