Marie est partie, « en hâte », vers le haut pays de Juda, parce que sa vieille cousine en était à son sixième mois et que sans doute une jeune femme serait bien utile dans la maison jusqu’à la naissance. Elle se devait aussi d’aller fêter sur place l’œuvre de Dieu, même si elle avait en elle-même un signe bien plus immédiat de son amour pour le monde.
Marie arrive donc, légère, spontanée, pour partager ce qu’elle a : sa charité, sa certitude, et puis, peut-être, son secret. Dès qu’elle est à portée de voix, elle appelle Élisabeth, et cet appel joyeux de Marie s’accompagne d’une irruption de l’Esprit.
En effet, à ce salut de Marie Élisabeth répond d’une manière étrange, presque démesurée : saisie par l’Esprit Saint, elle se met à crier de toutes ses forces, comme pour le clamer au monde, ce qu’elle découvre, en un éclair, du dessein de Dieu. Telle un prophète, elle interprète le sens de la visite de Marie. Tout lui devient transparent : « Toi, tu es bénie entre les femmes ; l’enfant que tu portes est béni ; tu es la mère de mon Seigneur ! » Elle saisit donc tout à la fois ce qui concerne Marie, ce qui concerne son enfant, et ce qui concerne à la fois l’enfant et sa mère.
C’est seulement ensuite qu’elle revient sur le signe qu’elle a perçu : « en moi l’enfant a tressailli, et c’était de joie ! » Elle a donc compris, à travers ce signe, que le rendez-vous des deux mères était surtout la rencontre des deux fils, le Messie et son Précurseur.
Enfin, toujours dans la lumière infaillible de l’Esprit, Elisabeth replace le privilège inouï de Marie sur la toile de fond de sa vie de foi : tu as cru, le Seigneur en toi accomplit sa parole, heureuse Marie !
Ainsi, quand l’Esprit fait irruption dans une vie humaine ou dans le dialogue des personnes, tout trouve son sens et chaque cœur ouvert reçoit sa lumière. Marie avait son secret, et voilà qu’Élisabeth le crie au monde. Élisabeth commençait seulement à s’habituer à son propre bonheur, et voilà qu’elle découvre, à livre ouvert, dans le cœur de la Vierge, un bonheur encore plus indicible que le sien.
Pour la première fois dans le monde la venue du Messie est reconnue. Pour la première fois, Marie, jeune mère, est accueillie comme porteuse de l’espoir du peuple de Dieu.
L’Esprit Saint, prolongeant l’initiative fraternelle prise par Marie, fait déboucher son voyage sur une manifestation éclatante du plan de Dieu. De même, quand, dans une communauté, une famille ou un foyer, des chrétiens se mettent en marche les uns vers les autres, sans souci du long chemin à parcourir, sans crainte de perdre un peu de leurs sécurités, et avec la hâte de servir, leur rencontre éclaire pour eux les chemins de Dieu, et l’Esprit Saint, à l’heure choisie par lui, révèle ce dont chacun est porteur.
Souvent les visites de Dieu prennent le relais des visites humaines, car Dieu aime achever ce que les hommes commencent pour son amour. Quand les enfants de Dieu acceptent, jour après jour, le dur exode de la charité prévenante, le voyage de la charité, ils découvrent avec émerveillement que, depuis le premier pas, ce premier pas qui coûte, Dieu marchait avec eux.
Dieu nous précède en toutes nos visites. Dieu nous visite pour nous mettre en chemin.
Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.