I - Renaissance du Carmel en Europe
1) En Belgique
La ruine de l’Ordre n’était pas totale au début du XIXe siècle. Le zèle du P. Melchior de Sainte-Marie permit la conservation des couvents de Bruges, Gand, Ypres, auxquels il était toutefois interdit de recevoir des novices. Le monastère des Carmélites de Liège avait aussi survécu. Lorsque la Belgique eut obtenu son indépendance en 1830, le Carmel thérésien s’y développa rapidement. Plusieurs nouvelles fondations de religieux permirent, en I850, la reconstitution de la province flandro-belge et de celle du Brabant qui se détacha de la flamande en 1885. Les moniales comptent alors en Belgique trente-quatre monastères. En 1956, des Carmélites de Bruges se rendirent en Suède, afin de fonder, à Glumslo, le premier Carmel depuis la Réforme. Seule, jusqu’ici, de toute la Scandinavie luthérienne, l’Islande possédait un Carmel.
2) En Hollande
Les « missions » des Déchaux ne s’étaient pas maintenues en Hollande durant la Révolution. Le premier monastère de Carmélites y fut établi à s’Hertogenbosch (Bois-le-Duc) en 1872, et le premier couvent de Déchaux à Geleen en 1876. La province hollandaise connut alors son essor. Plusieurs monastères des Pays-Bas doivent leur existence a des Carmélites allemandes expulsées au moment du Kulturkampf et a des Carmélites françaises exilées a la suite des lois Combes, et qui étaient venues s’établir en ce pays. Les Carmels fondés par elles subsistèrent même après leur retour en leurs patries, tels ceux d’Echt et de Roermond.
3) Dans les pays anglo-saxons
En Angleterre, il ne restait, après la mort du dernier Déchaux en 1849, que trois monastères de Carmélites. En 1862, le cardinal Wiseman fit, à Rome, la connaissance du P. Augustin-Marie du Saint-Sacrement. Il voulut l’obtenir pour la fondation d’une maison de son Ordre à Londres. Le préposé général ayant refusé son consentement, Wiseman obtint gain de cause grâce à l’intervention personnelle de Pie IX. Le P. Augustin arriva à Londres la même année. Quelques religieux l’ayant suivi, la vie régulière fut inaugurée dans la plus grande pauvreté à Kensington Square, le 15 octobre, en la fête de sainte Thérèse. En 1865, le cardinal Manning posa, en présence du P. Dominique de Saint-Joseph, devenu général des Déchaux, la première pierre du couvent actuel. Le P. Hermann demeura à Londres jusqu’en 1868. Dans la suite, plusieurs autres couvents furent établis en Angleterre et en Irlande. La province anglo-irlandaise, érigée en 1929, a ouvert des maisons en Californie et en Australie.
Les Carmélites connurent une large expansion, surtout en Angleterre. En 1864, Lanherne fonda un monastère à Sclerde. Deux ans plus tard, des moniales de Lyon s’installèrent à Londres, mais leur monastère, actuellement à Hendon, ne fut inauguré qu’en 1880. La plus importante fondation fut réalisée en 1878, également à Londres (Notting Hill) par le Carmel parisien de la rue d’Enfer. Ce couvent londonien, gouverné longtemps par une prieure remarquable, Mère Marie de Jésus (Dupont), est à l’origine de tous les autres monastères anglais ainsi que de plusieurs fondations en Californie, en Australie et en Nouvelle-Guinée. En Irlande, le monastère érigé à Loughrea en 1680 demeura longtemps le seul. Au cours des XIXe et XXe siècles seulement, plusieurs autres couvents furent fondés en Irlande.
Aux États-Unis d’Amérique, la fondation du premier monastère de Carmélites remonte à 1790, où des moniales anglaises d’Hoogstraet s’installèrent à Port-Tobacco. Ce Carmel, transféré à Baltimore en 1831, réalisa d’autres fondations à partir de la fin du XIXe siècle. Des monastères anglais essaimèrent aux États-Unis dès 1908 et des Carmélites espagnoles s’y établirent après la deuxième guerre mondiale. Les fondations s’étant succédé à un rythme rapide : les États-Unis comptent alors 64 monastères. Les Déchaux ne gagnèrent ce vaste pays qu’au début du XXe siècle. II y existe trois provinces, celle d’Oklahoma, celle de Californie et celle de Washington. D’autres territoires avec des couvents assez nombreux sont rattachés aux provinces catalane et anglo-irlandaise.
En Australie, il existe plusieurs monastères de Carmélites, dont le premier fut érigé à Sydney en 1885 par des moniales venues d’Angleterre. Les Carmes déchaux anglais ont établi une maison a Brisbane en 1948 et une autre quelques années plus tard.
4) En Autriche et en Allemagne
Le Carmel thérésien se réorganisa aussi au cours du XIXe siècle. Les trois maisons de Déchaux, qui avaient survécu à la tourmente, en Autriche et en Galicie, ne se remirent que bien lentement. Le couvent régulier établi à Graz en 1844 contribua à la restauration des autres.
En Galicie, le renouveau est dû surtout à l’influence d’un grand religieux polonais, le P. Raphaël de Saint-Joseph (Joseph Kalinowski 1835-1907). Ancien officier du génie dans l’armée russe, il fut déporté en Sibérie, d’où il réussit à gagner la France. En 1877, il entrait chez les Carmes de Linz. Cet authentique contemplatif fut aussi un grand apôtre et un éminent directeur de conscience. L’antique province polonaise se reforma après la première guerre mondiale, lorsque la Pologne eut recouvré son indépendance.
Des 1828, les Carmélites avaient pu se fixer à nouveau en Autriche, à Gmunden. L’année suivante vit l’érection du monastère de Graz. D’autres suivirent, dont celui de Vienne-Baumgarten (1879), qui essaima plusieurs fois, notamment à Selo en Yougoslavie.
En Allemagne, le couvent des Carmes de Würzburg avait seul subsisté. Celui de Ratisbonne fut rendu à l’Ordre en 1836 et, deux ans plus tard, celui de Reisach put être également réintégré. Lentement, la province de Bavière se réorganisa et de nouvelles fondations virent le jour.
En 1844, quatre moniales de Gmunden fondèrent le monastère de Himmeispforten à Würzburg. Une modeste jeune femme de Cologne, Catherine Esser, réussit, après avoir vaincu des difficultés sans nombre, à ériger un nouveau Carmel dans sa vile natale, en 1850, avec le concours de deux moniales de Liège. Elle y entra, prenant le nom de Sœur Françoise des Mérites infinis de Jésus-Christ, et y devint plus tard prieure. Elle parvint aussi à sauver le Carmel d’Aix-la-Chapelle, fondé par un monastère belge en 1859, en y envoyant comme prieure sa fille de prédilection Thérèse de Jésus. Purifiée par une longue maladie, Mère Françoise rendit son âme à Dieu le 11 février 1866. Bientôt après, le Carmel d’Allemagne devint une des victimes du Kulturkampf. Les lois de mai (1873-75) contraignaient les religieux à l’exil. Les Carmélites de Cologne trouvèrent un refuge à Echt en Hollande, celles d’Aix-la-Chapelle à Maastricht. Dès 1890, la Mère Thérèse de Jésus réussit à ramener ses filles à Aix-la-Chapelle. Six ans plus tard, elle se rendit à Cologne avec plusieurs moniales. En 1899 eut lieu la prise de possession du monastère construit à Cologne-Lindenthal..
Il allait accueillir, en 1933, une postulante célèbre Edith Stein. Ce couvent ayant été détruit lors d’un bombardement durant la deuxième guerre mondiale, les intrépides Carmélites construisirent en partie elles-mêmes un nouveau Carmel sur l’emplacement du premier monastère érigé à Cologne au XVIIe siècle, près de l’église Notre-Dame de la Paix. L’Allemagne compte alors quinze monastères de Carmélites et seront augmenté ensuite des fondations de Essen et de Dachau.
Les Carmélites de Neuss, une fondation de Cologne, s’étaient réfugiées elles aussi, en Hollande au moment du Kulturkampf. Elles érigèrent, en 1882, un monastère a Roermond, d’où quelques moniales partirent sept ans plus tard, afin de s’établir à Luxembourg. En 1937, ce Carmel fut transféré à Luxembourg-Neudorf.
5) En Espagne
Le Carmel ne put vraiment se réorganiser qu’à partir de l’accession au trône d’Alphonse XII (1875), bien que certains monastères de Carmélites se fussent déjà regroupés auparavant. D’emblée, il parut impossible de faire revivre l’ancienne congrégation autonome d’Espagne. Un décret de Pie IX unifia définitivement l’Ordre des Carmes déchaux le 12 février 1875. Dès lors, le Carmel thérésien prit un grand essor dans sa patrie. La guerre civile d’Espagne fit des ruines et des martyrs, dont trois moniales de Guadalajara (Marie-Pilar de Saint-François de Borgia, Thérèse de l’Enfant-Jésus et Marie-Angeles de Saint-Joseph), qui scellèrent de leur sang leur fidélité à la foi. Mais les plaies furent tôt guéries. L’Ordre reconstitue en Espagne deux provinces de carmes et une centaine de monastères de Carmélites.
5) En Italie
Le renouveau commença vers la même époque, après les événements de 1870, qui achevèrent l’unification politique du pays. Les Carmes déchaux y sont groupés en cinq provinces et les moniales y possèdent une quarantaine de couvents.
6) En Suisse
Le premier monastère de Carmélites fut établi a Lully près d’Estavayer-le-lac par des moniales venues de Narbonne en 1921. Il fut transféré en 1936 dans un couvent régulier, construit au Pâquier, en Gruyère. Des Carmélites romaines érigèrent en 1947 un second monastère à Locarno. Un monastère fut fondé également à Develier.
II - Les Congrégations carmélitaines
Au cours des XIXe et XXe siècles, une cinquantaine de congrégations religieuses furent agrégées à l’Ordre en qualité de tiers-ordres réguliers. Les plus importantes se trouvent en Espagne : les Carmélites de la Charité, fondées en 1826 par la bienheureuse Joachime de Vedruna, avec plus de 2500 religieuses ; et la Compagnie de sainte Thérèse de Jésus, fondée à Tortose en 1876, avec plus de 3000 religieuses. Les Carmélites du Sacré-Cœur de Jésus, dont l’érection canonique en Hollande remonte à 1911, dépassent le millier et exercent leur activité en plusieurs pays d’Europe et d’Amérique.
En France, il faut noter surtout le Carmel Saint-Joseph, fondé par Mère Marguerite-Marie du Sacré-Cœur (Léontine Jarre) en 1872 à Saint-Martin-Belle-Roche. La congrégation doit son essor surtout à l’activité inlassable de sa seconde fondatrice, Mère Marie-Mathilde de la Croix. La congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Mont-Carmel d’Avranches, fondée en 1686 par un Grand Carme d’Avranches, devint tiers-ordre régulier en 1703. Les Sœurs de la Providence de la Pommeraye sont agrégées à l’Ordre depuis 1956.
L’Institut séculier carmélitain de Notre-Dame de Vie, fondé à Venasque (Vaucluse), par le P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus et Marie Pila en 1943 est en plein développement en plusieurs pays. Un Institut séculier sacerdotal lui est agrégé.