Le temps de l’Avent est particulièrement le temps de la mémoire et de l’espérance. Nous nous souvenons de la venue du Fils de Dieu dans notre chair en Jésus de Nazareth, réalisant ainsi les promesses faites à Israël. Et nous attendons la pleine réalisation de ses promesses lorsque le Christ reviendra dans la gloire, restaurant la création et accomplissant toute justice.
Nous nous trouvons donc aujourd’hui dans un entre-deux, entre ces deux venues du Seigneur dans notre histoire. Notre foi se nourrit de l’événement situé dans le passé, il y a quelque 2000 ans, parmi le peuple d’Israël tandis que notre espérance est tournée vers l’achèvement des promesses. Cette espérance de la venue du Seigneur n’est pas une lubie, ni un rêve pour échapper à la dureté de notre existence, mais elle définit l’originalité chrétienne au milieu de ce monde. La foi et l’espérance situent le croyant dans le monde comme tournée vers l’au-delà, reconnaissant dans le Seigneur l’origine et le terme de la création. C’est de lui que nous attendons l’achèvement de nos efforts pour la justice et la vérité. Notre foi se nourrit de la reconnaissance de l’œuvre de Dieu dans notre histoire, et notre espérance ne limite pas notre regard aux réalités de ce monde.
Ce qui nous est promis, c’est la plénitude de Dieu, amour et lumière, justice et paix, cependant il ne s’agit pas de rejeter dans l’au-delà du temps, à l’extrémité de notre histoire humaine, l’accomplissement de ses promesses. Certes, depuis la venue de Jésus, le monde semble n’avoir pas beaucoup changé, mais le germe du Royaume de Dieu est là, bien vivant. Et pour chacun de nous la vie éternelle commence aujourd’hui, la réalisation des promesses a déjà débuté. Les biens que nous désirons ne figurent pas sur un testament que la mort nous permettrait d’ouvrir. Ces biens nous sont déjà acquis, nous partageons déjà l’héritage du royaume, ce qui fait dire au prophète Isaïe : « L’esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. (…) Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a enveloppé du manteau de l’innocence, il m’a fait revêtir les vêtements du salut ».
La présence de Dieu et son œuvre dans le cœur des croyants, les germes de justice et de paix, d’amour et de vérité, constituent dès maintenant la réalité des promesses qui attendent leur achèvement dans l’au-delà. C’est là l’une des grandes différences entre l’espoir simplement humain et l’espérance chrétienne, ce que nous attendons est déposé en nous en germe et est déjà en voie de réalisation. Il y a un optimisme chrétien qui s’appuie sur un regard de foi capable de discerner ce qu’il y a de bon en l’homme, et lui fait discerner ce que le Seigneur accomplira, comme le fait Isaïe : « De même que la terre fait éclore ses germes, et qu’un jardin fait germer ses semences, ainsi le Seigneur fera germer la justice et la louange devant toutes les nations ».
La première étape de la réalisation des promesses s’accomplit donc d’abord par la présence de Dieu au cœur des croyants, car cette présence est le moteur de l’agir du chrétien pour ses frères, et devient donc le véritable moteur de l’histoire. C’est pourquoi l’attente dans laquelle nous nous situons nous ouvre à une 3e venue, celle qui se produit dans le cœur du croyant. C’est cette 3e venue qui constitue le fil conducteur ininterrompu entre les 2 venues historiques. La mémoire de l’œuvre de Dieu dans l’histoire des hommes nourrit notre foi, notre espérance fondée sur les promesses tourne notre regard vers l’avenir, et aujourd’hui nous accueillons au plus intime de nous-mêmes la présence agissante de Dieu. Au premier Noël, lorsque Dieu est venue visiter la terre, Jésus venait de l’extérieur, du ciel, pour pénétrer à l’intérieur de nous, prendre chair de notre chair. Et de même, à la fin des temps, à l’heure de la Parousie, il nous adviendra d’en haut et de l’extérieur pour tout illuminer de sa grâce. Mais aujourd’hui, en l’accueillant dans la foi et l’espérance, il naît en nous de l’intérieur pour rayonner vers l’extérieur.
Comme la venue de Jésus s’est inscrite dans la longue histoire d’Israël, cette naissance de Dieu en nous s’inscrit dans notre histoire. C’est pourquoi l’apôtre Paul nous invite à être attentif à la présence agissante de l’Esprit Saint en nous : « N’éteignez pas l’Esprit ! ». Cette présence agissante de l’Esprit dans le croyant, c’est l’onction dont nous parlait aussi le prophète Isaïe. Sans lui, nous serions comme les scribes et les pharisiens qui questionnaient Jean le Baptiste, c’est-à-dire que nous ne pourrions discerner et comprendre la manière dont le Seigneur réalise son œuvre : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». Pour manifester la vérité de notre foi dans la venue du Fils de Dieu dans la chair en Jésus, pour exprimer notre espérance en sa venue glorieuse, Saint Paul nous invite à accueillir aujourd’hui la présence agissante de l’Esprit de façon à ce que naisse en nous l’homme nouveau à l’image du Christ Jésus.
C’est pourquoi, si le temps de l’Avent est le temps de la mémoire et de l’espérance, ce n’est pas un temps de fuite vers un passé idéalisé ou un avenir rêvé. Bien au contraire, la foi et l’espérance nous invitent à une attitude active pour faire resplendir la présence de Jésus au cœur de l’histoire. L’œuvre du Saint Esprit en nous est de manifester par toute notre vie la vérité et la profondeur de notre foi. « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu’il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. » Préparez les chemins du seigneur, c’est travailler à notre sanctification pour faire naître Jésus en nous, et ainsi le rendre présent aujourd’hui.
Fr. Antoine-Marie Leduc, o.c.d.