Au fil de l’année liturgique

Réflexions générales

Il dépendait, Seigneur, de votre volonté souveraine de me laisser pour jamais ensevelie dans les abîmes du néant, plutôt que de m’élever à l’existence, comme vous l’avez fait. Après le bienfait de la vie, vous étiez libre de m’abandonner, comme tant d’autres, aux ténèbres d’une de ces conditions obscures et nulles, selon les préjugés du monde. Eh ! que serait-ce encore de la grâce d’être née, que serait-ce des avantages divers dont il vous a plu de gratifier tous les temps de ma vie, que serait-ce du privilège d’une naissance qui semble me transporter dans une sphère étrangère à la plupart des hommes, si vous n’eussiez placé mon berceau dans un Royaume qui s’honore plus encore du titre de Royaume très-chrétien, que du nom antique et célèbre qui le distingue des autres Empires du monde, où votre nom est adoré, où votre culte est béni, où votre religion sainte compte dans tous les ordres de citoyens, des sanctuaires vivants, et des temples aussi augustes que ceux que vous élève la main des hommes ?

Mais, Seigneur, en me rappelant vos bienfaits, quels souvenirs affligeants viennent en même temps se retracer à mon esprit ! Vous ne m’avez placée dans ce monde que pour être chrétienne ; et j’ai à peine commencé à l’être. A cette vocation générale qui m’est commune avec tout ce qui reconnaît ici la religion de Charlemagne et de saint Louis, vous en avez ajouté une particulière pour moi, celle du haut rang où vous m’avez fait naître : et le dernier peut-être des citoyens qui forment ce vaste Empire, est plus grand à vos yeux que moi. Au milieu des exemples pieux qui m’environnent, au milieu des pièges et des dangers dont je suis investie de toutes parts, quels motifs d’émulation auxquels je me suis trop souvent dérobée ! Que d’obstacles à la fois arrêtent encore les saints désirs que vous m’inspirez sans cesse ! Si quelquefois des affections célestes m’élancent vers vous, comme à l’instant les inquiétudes d’un rang qui ne fait pas le bonheur me font retomber au-dessous des résolutions que je prends, et des promesses que je vous fais. D’où me viennent, Ô mon Dieu ! ces agitations pénibles et redoutables pour ma faiblesse : car je le sens trop, je n’ai pas encore mérité de souffrir. Eh, que je suis loin d’apprendre à la mériter ! Ce ne sont pas des épreuves qu’il faut à mon âme : et quoique vous soyez le Dieu de force et de vertu, quoique vos serviteurs ne soient jamais plus puissants, que quand ils sont dans le creuset de la tribulation, ah ! j’ai besoin de ne goûter de votre joug que ses douceurs.

Vous m’avez fait, Seigneur, une âme sensible, et dont l’activité ne peut se reposer que dans votre sein. Tout ce qui est autour de moi semble m’inviter à m’arrêter sur cette terre, en apparence, riante et heureuse : tout ce qui est dans moi me crie qu’elle n’est en effet qu’une terre d’exil et de pèlerinage, et qu’il est ailleurs une patrie qui seule peut être l’asile de la paix, l’image de la félicité. Seigneur, mon âme vous interroge et vous écoute. Venez fixer ses irrésolutions, dissiper ses tristesses et ses langueurs ; venez y assurer à jamais votre empire. Dès mes plus tendres années, mon cœur déjà prévenu par votre grâce, déjà détrompé sur l’éclat trop souvent perfide de ces honneurs, de ces distinctions qui font les grands de la terre, cherchait dans vos tabernacles le calme et la félicité qu’il ne trouvait pas encore la terre. Détachez-le de plus en plus de tous les liens qui pourraient l’y retenir. Dieu, qui commandez aux orages et aux tempêtes, apaisez les troubles intérieurs qui pourraient empêcher votre voix de se faire entendre toute seule au-dedans de moi ; calmez, s’il le faut, jusqu’à mes espérances ; anéantissez en moi jusqu’aux regrets ; remplissez mon âme de cette sérénité pure qui fait le vœu de toutes ses puissances, et qui surpasse tout sentiment. Dieu d’amour et de paix, paraissez pour toujours au milieu de moi ; régnez sur tout mon cœur, et rendez-le digne de vous posséder dans le mystère de votre amour. Que chacune des solennités établies par l’Église pour être des époques plus particulières de sanctification, soit pour moi une occasion de ferveur et de pieuses résolutions : que chacun des intervalles qui les séparent, soit un cercle perpétuel de préparation et d’actions de grâces, pour la participation aux saints mystères : que chaque année soit une suite toujours renouvelée d’exercices et de Méditations, inspirées et dirigées par vous-même, pour la gloire de votre nom, et pour ma sanctification.

Toute ma vie j’aurai donc le bonheur de m’entretenir avec vous, ô mon Dieu ! De converser avec votre grâce qui parlera à mon cœur : bonheur ineffable, dont j’anticipe les jouissances par les vœux les plus ardents ! Esprit saint ! Apprenez à mon cœur la science du salut, la science qui fait les Saints, et que vous seul pouvez faire descendre sur la terre  ; ramenez à vous le désordre de mes idées, mais surtout renversez l’idole de la vanité ; consumez toute flamme qui n’est pas celle de la charité ; disposez-moi à la célébration des mystères et de l’avènement de notre Rédempteur, en m’inspirant vous-même les obligations que je dois me prescrire, et surtout, en me donnant la grâce de les accomplir. Ah ! si mon cœur venait à oublier ces saintes résolutions, ce papier tout muet qu’il est, s’élèvera contre moi, il m’accusera hautement de mes prévarications, et si je puis devenir un jour infidèle, au moins ne serai-je point parjure au serment que je fais de ne l’être qu’un moment.

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