En nous invitant aujourd’hui à prier pour nos frères défunts, l’Eglise nous appelle aussi à lever notre regard au-delà de la réalité douloureuse de la mort vers les réalités d’en haut, à nous laisser renouveler dans l’espérance de ressusciter un jour dans le Christ pour vivre de la vie même de Dieu.
Aujourd’hui, il est devenu difficile de parler de la mort car notre société marquée par le bien-être et l’hédonisme a tendance à occulter cette réalité. La seule pensée de devoir mourir un jour angoisse et beaucoup préfère l’éliminer de leur champ de conscience. Il est vrai qu’ « en face de la mort, comme le rappelle le Concile Vatican II, l’énigme de la condition humaine atteint son sommet » (Gaudium et spes, n. 18).
À ce titre, les textes de la liturgie de ce jour sont particulièrement significatifs. Le livre de la Sagesse nous dit que ce qui fait la valeur d’une vie, ce ne sont pas le nombre des années, « c’est une vie sans tâche », fut-elle courte car « la sagesse surpasse les cheveux blancs ». Face à la révolte et l’incompréhension qui peuvent habiter le cœur de l’homme devant la mort de quelqu’un de jeune, l’Ecriture déclare que c’est « Dieu qui l’a repris pour que le mensonge n’égare pas son âme ». Non pas pour nous dire que Dieu aurait provoqué la mort mais pour nous révéler qu’il veille sur nous et ne nous abandonne pas jusque dans notre mort : « Les gens voient cela sans comprendre ; il ne leur vient pas à l’esprit que Dieu accorde à ses élus grâce et miséricorde, et qu’il veille sur ses amis ».
« Même s’il meurt avant l’âge, le juste trouvera le repos » : Non seulement, Dieu ne lâche la main à personne au moment de la mort, mais il promet à chacun le repos et la vie éternelle dans la mesure où il nous trouvera juste. Attention à bien interpréter ici ce que signifie « être trouvé juste ». Nous devons nous rappeler que, dans la Bible, est déclaré juste celui qui est ajusté à la volonté de Dieu c’est-à-dire orienté vers lui par toute sa vie.
Au moment de notre mort, il y a donc bien un jugement qui nous attend. Mais ce jugement particulier, c’est finalement nous qui en serons les responsables. Il ne s’agira pas d’un moment où Dieu nous rétribuera en fonction du poids de nos bonnes actions. Non, car la volonté du Père c’est que le Fils ne perde aucun ceux qu’il lui a donnés et qu’il les ressuscite tous au dernier jour (Cf. Evangile). Il s’agira d’un moment où nous aurons rendez-vous avec la miséricorde divine, aussi pécheur que nous soyons, et où nous serons appelés à l’accueillir mais cette fois-ci d’une façon définitive car nous ne nous trouverons plus sous le régime de la foi. C’est ici que se scellera d’une façon définitive l’orientation de fond que nous aurons voulu donner à toute notre vie. Même si nous ne pouvons douter de la puissance de Dieu qui se déploie jusque dans sa miséricorde envers le pécheur le plus endurci, nous devons quand même nous rendre compte que les choix que nous posons durant notre vie terrestre orientent déjà le choix définitif que nous poserons au moment de notre mort. C’est dans ce sens qu’il nous faut lire la deuxième lecture de ce jour et particulièrement sa finale qui déclare : « Chacun de nous devra rendre compte à Dieu pour soi-même. »
Alors selon que nous aurons accueilli la lumière ou préféré les ténèbres nous nous retrouverons lumière ou ténèbres. Nous percevons donc ici toute l’importance de prier pour nos frères défunts afin qu’ils puissent accueillir pleinement la miséricorde infinie de notre Père céleste qu’il nous a rendue accessible en son Fils unique en dehors de qui personne ne peut aller vers le Père.
Forts de notre foi en la victoire de Jésus ressuscité sur la mort et le péché, et dans l’espérance de ressusciter en Christ pour vivre éternellement de l’Amour de Dieu nous voulons prier avec eux ces paroles du Psaume 24 : « Rappelle-toi Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours. Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ; dans ton amour de ne m’oublie pas… Vois ma misère et ma peine, enlève tous mes péchés. Garde mon âme délivre-moi ; je m’abrite en toi : épargne-moi la honte. »