La Vierge Marie
brève approche historique
« Sur le versant de cette montagne (du Carmel), dans un site très beau et délicieux, habitent les ermites latins que l’on appelle frères du Carmel et là se trouve une petite église de Notre-Dame ».
Un pèlerin du 13e siècle nous rapporte ainsi les commencements humbles et cachés de cet amour que les carmes vont porter au cours des siècles à la Vierge Marie. Durant la période de leur difficile implantation en Europe, ils défendent jalousement leur titre de frères de Notre-Dame car la tempête est rude pour ce petit ordre venu d’Orient : en ce 13e siècle, les ordres nouveaux foisonnent et ceux de Saint François et de Saint Dominique ont un prestige immense ; c’est au secours spécial de celle qu’ils ont choisie pour protectrice, qu’ils attribuent leur reconnaissance officielle par l’Église ; c’est pourquoi le gouvernement de l’Ordre impose aux frères le port du scapulaire, pièce d’étoffe qu’ils reçoivent comme signe de leur consécration à Marie. Dès cette époque, l’Ordre voit dans le culte à rendre à la Mère de Dieu, sa raison d’être et la choisit pour Patronne ; au Carmel, le service de Marie sera inséparable de la marche à la suite de Jésus.
Aux 14 et 15e siècles, les carmes méditent sur la Médiation de Marie : Dieu lui a donné de mettre au monde Jésus, l’auteur de la grâce, et l’a pleinement associée à son œuvre de Rédemption ; nous recevons la grâce du salut en Jésus Christ à la prière de celle qui se tenait debout près de la Croix. Au 16e siècle, alors que Sainte Thérèse de Jésus vient de fonder à Avila le premier de ces « colombiers de la Vierge » qui inaugure la réforme du Carmel, elle la voit dans une immense gloire, vêtue du manteau blanc sous lequel s’abritent toutes les religieuses. Trois siècles plus tard, Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus s’écrie : « Elle est plus Mère que Reine ! », nous rappelant que notre amour pour Marie est tout de familiarité confiante et simple
Modèle de pureté, d’obéissance, d’intimité avec Jésus, elle est l’image parfaite de ce que le Carmel désire être dans l’Église ; priante et disponible, vigilante et effacée, elle porte intensément dans son cœur, le souci de l’œuvre de son Fils pour le salut de tous les hommes. « Le Carmel est tout entier marial » selon l’antique devise de l’Ordre. Tel est bien le mystère profond de cet ordre appelé à vivre à l’exemple de Marie, du seul amour de Jésus pour le salut du monde.
Étude historique sur le scapulaire
État de la question
Les études de Xiberto et Zimmerman sur la vision de Saint Simon Stock avaient suivi la voie descendante en prospectant à fond les auteurs et les sanctoraux des 15e et 16e siècles qui en traitaient. Leur recherche montra l’absence de documents plus primitifs : il restait un siècle de distance entre le fait lui-même et la première relation écrite que nous en ayons. Cette étude a procédé par voie ascendante en utilisant les documents législatifs qui sont de bons témoins de l’histoire. Nous partons de l’hypothèse de l’authenticité des descriptions que les sanctoraux nous ont laissées de la vision de Saint Simon Stock : la Vierge lui apparaît et lui remet le scapulaire comme nouvel habit de l’Ordre. Saint Simon Stock est alors général d’un ordre qui possède une règle et des constitutions, des chapitres généraux et un habit religieux qui ne comporte pas de scapulaire. Qu’arrive-t-il ?
1) L’apparition de la Vierge, qui se montre ainsi réellement Mère et Patronne de l’ordre en accueillant les supplications de ses fils, impose de considérer comme un ordre la volonté explicite de la Vierge.
2) Le scapulaire ne faisant pas partie de l’habit de l’Ordre, il fallait donc l’introduire, ce qui n’était pas une tâche facile, et le faire par des moyens légaux.
3) La Vierge avait offert le scapulaire en l’assortissant d’une promesse importante pour celui, qui persévérerait dans l’Ordre en le portant. Il devint donc pour beaucoup de religieux un don précieux qu’il s’agissait de rendre réel en l’intégrant à l’habit de l’Ordre.
4) On peut supposer que cela ne fit pas tout de suite l’unanimité, surtout de la part des religieux, qui n’approuvaient pas 1a politique d’assimilation aux ordres mendiants menées par Saint Simon Stock.
5) Saint Simon Stock ne trouve pas de son vivant les conditions favorables lors des chapitres généraux pour faire accepter le scapulaire. La situation fut encore pire avec les deux généraux qui lui succédèrent et qui étaient opposés à tout changement.
6) Les religieux partisans de Saint Simon Stock espéraient le jour où il serait possible d’instaurer le nouvel habit de la Vierge. Sans doute, ces religieux commencèrent-ils à le porter à titre personnel la nuit pour dormir et sous la tunique durant le jour.
La suite apparaît clairement à travers les lois, à savoir l’officialisation progressive du scapulaire comme habit religieux de 1’Ordre. Par ce moyen, nous suivons une évolution qui nous conduit jusqu’au milieu du 14e siècle ce qui assure la jonction avec les traditions écrites, qui nous sont parvenues sur la vision de Saint Simon Stock elle-même. Nous pouvons constater la cohérence, qui existe entre ces deux types de témoignages : ils constituent ensemble un même argument en faveur de l’historicité de la vision concernant le scapulaire du Carmel.
La conclusion dernière et non la moindre, est que le scapulaire, vêtement de l’Ordre, l’est en tant que vêtement de Marie. Il est l’expression de la grâce mariale de l’Ordre. Il était pourtant destiné à dépasser les frontières de l’Ordre en devenant l’une des grandes dévotions mariales comme le prouve sa large diffusion ultérieure dans l’Église.
Les documents disponibles
Ordinal de Dublin de 1263 Constitutions de 1281, 1294, 1324 Actes du chapitre général de Montpellier de 1287 Ordinal de Siberto de Béka de 1312
Deux conclusions s’imposent à partir de l’étude de ces documents :
1) Les Carmes ne portaient pas le scapulaire à l’origine.
2) Il survint un changement relativement rapide dans l’habit, qui consista à introduire de manière ferme et irréversible le scapulaire jusqu’à en faire l’habit de l’Ordre.
Ordinal de Dublin de 1263
N° 38 : « Que tous les frères aillent avec un habit uniforme, à savoir soit avec les capuches, soit avec les capes selon l’exigence du temps et l’ordre du prélat. » (Article concernant les processions conventuelles)
N° 45 sur la sépulture des frères : « Il faut les ensevelir avec la tunique et la capuche voilant leur face, les mains superposées, disposées en forme de croix, avec les sandales et la ceinture mises décemment. » La coutume de recouvrir la face existait déjà chez les dominicains. L’ordinal ne parle que d’une tunique et d’une capuche. Par contre, cinquante ans plus tard environ, dans l’ordinal de Siberto de Beka nous lisons à propos de la sépulture des frères : « Il faut ensevelir les frères avec la tunique grise et le scapulaire, la capuche voilant leur face, les mains étant disposées en forme de croix, et avec les sandales et la ceinture mises décemment. »
Quand le scapulaire a-t-il donc été introduit ?
Chapitre général de l’Ordre de 1281
N° 13 : « Les frères doivent dormir vêtus de la tunique et du scapulaire sous peine de faute grave. » Par rapport aux dominicains et aux servites de Marie à qui la même obligation est faite, nous avons ici en plus la mention de faute grave pour qui y dérogerait. Pourquoi notre législation est-elle la plus sévère sur ce point alors que le scapulaire n’est pas encore l’habit de l’Ordre ?
N° 22 : « Les vêtements des frères doivent être de laine et pauvres, d’une même forme. Il doit y avoir une tunique tombant jusqu’au talon et une capuche qui arrive à mi-jambe. » (idem qu’en 1263). « Nous établissons que les frères qui célèbrent ou aident les célébrants à la messe conventuelle doivent porter un scapulaire fin, d’étoffe grise et convenable, étant interdit le scapulaire blanc qu’il soit extérieur ou intérieur. »
Le scapulaire est donc d’un tissu de meilleure qualité que celui de la tunique et de la capuche. Il doit pourtant avoir une couleur proche de celles-ci. On constate que les frères pouvaient le porter par-dessus ou par-dessous l’habit. Il ne fait pas partie de celui-ci, car il n’en est pas fait mention dans le rite de profession : le novice, vêtu de la tunique, après avoir prononcé sa profession, reçoit du Prieur la capuche. La cape fait partie de l’habit, mais il n’y a pas d’oraison spéciale, la concernant dans le rite de profession bien qu’elle en soit le signe. (n° 26 et 27). Quant à la capuche, c’était une espèce de cagoule : au début, c’est un capuchon qui couvre la tête, les épaules et le dos. Elle prit ensuite plus d’ampleur jusqu’à couvrir les bras et descendre à la ceinture par devant et à mi-jambe par derrière.
Les constitutions de Bordeaux de 1294
Le paragraphe sur l’habit est plus bref et ne fait pas mention du scapulaire. Par contre celui-ci apparaît dans le rite de profession religieuse : le novice entre vêtu d’une tunique sans la capuche et prononce ses vœux devant le Prieur. Aussitôt, on bénit la cape et le scapulaire avec la même formule utilisée auparavant pour l’habit. Puis le Prieur revêt le profès du scapulaire en disant : « reçois cet habit en rémission de tes péchés et pour l’accroissement de la sainte religion… » Enfin, c’est la prière de bénédiction sur le profès qui est aspergé d’eau bénite, puis conduit au chœur. Il y a donc une nouveauté dans le rite de profession. La bénédiction de la cape et du scapulaire s’est substituée à celle de l’habit. La cape est considérée comme « le signe de notre religion » et le scapulaire est désormais la partie essentielle de l’habit. Par contre, la capuche apparaît comme secondaire et n’est plus mentionnée. Remettre l’habit, c’est maintenant remettre le scapulaire comme en témoigne la formule de bénédiction de celui-ci.
Au moment de ce chapitre de Bordeaux, le scapulaire fait déjà partie de l’habit du carme qui doit le porter habituellement et non plus seulement le célébrant et ses acolytes lors de la messe conventuelle. Pourtant le paragraphe qui traite de l’habit religieux n’a pas encore été modifié. Il se trouve donc en contradiction avec le rite de profession puisqu’il ne fait mention ni du scapulaire, ni de la cape, mais seulement de la tunique et de la capuche. Il faudra attendre le chapitre de 1324 pour que les constitutions soient harmonisées sur ce point : « le vêtement des frères sera de laine et d’une même forme de sorte qu’il comprenne une tunique grise qui descende jusqu’au talon et un scapulaire de la même couleur, qui arrive jusqu’à mi-jambe. »
Dans les constitutions du chapitre de Barcelone (1324), tout le processus de transformation de l’habit est parvenu à son terme. Il avait commencé après la mort de Saint Simon Stock et s’était traduit pour la première fois dans les lois au chapitre de 1281. Que s’est-il passé entre 1281 et 1294 ? Entre les premiers efforts officiels pour introduire le scapulaire dans l’habit et le fait de le bénir et de l’imposer comme habit en 1294 ?
Le chapitre général de Montpellier de 1287
L’une des décisions majeures de ce chapitre est de substituer à la cape rayée ramenée d’Orient, une cape blanche et de ce fait, de nombreuses déclarations vont porter sur l’habit : on y déclare que la cape n’est pas un élément constitutif de l’habit. Le changement apporté ne vise donc pas à modifier l’habit en tant que tel. La cape est considérée comme un signe extérieur. Elle doit comporter une capuche qui couvre aussi la poitrine, tandis qu’en dessous de cette capuche, la cape doit rester ouverte de façon à ce que le scapulaire soit clairement visible. Le scapulaire doit être porté non seulement de nuit et à la messe conventuelle, mais en permanence. Le chapitre semble avoir profité de la modification de la cape pour introduire officiellement, avec le consentement du Pape Honorius IV, le scapulaire dans l’habit de l’Ordre. Probablement que de nombreux religieux le portaient déjà comme on peut le déduire des constitutions antérieures de 1281. Il reste encore à en faire la pièce essentielle de l’habit.
Résumé de ce processus
Vision de la Vierge vers 1251-1252
Ordinal de 1263 : aucun changement dans l’habit n’est survenu.
1265 : mort de Saint Simon Stock
1281 : chapitre de Londres
- Obligation de porter le scapulaire la nuit sous peine de faute grave.
- Doivent le porter aussi le célébrant et ses acolytes à la messe conventuelle.
- L’habit de l’Ordre est la capuche.
1287 : chapitre de Montpellier
- Adoption de la cape blanche.
- Le scapulaire est un élément habituel de l’habit. Il doit être visible sous la cape.
1294 : chapitre de Bordeaux
- Le scapulaire apparaît dans le rite de profession.
- Il est désigné comme étant l’habit de l’Ordre et pourtant le paragraphe décrivant l’habit ne mentionne que la tunique et la capuche.
1324 : le chapitre de Barcelone établit clairement que le scapulaire est l’habit des Carmes et harmonise la législation sur ce point.
Analyse de ces données historiques
Un changement rapide mais non pas immédiat s’est produit sur un point important pour un ordre religieux, spécialement en cette période médiévale, à savoir l’habit. Cela suppose à la fois une pression et une résistance, une requête et une concession progressive. On commence d’abord par introduire le scapulaire comme un deuxième habit, un habit extraordinaire comme s’il s’agissait d’un vêtement sacré. Certains jusque là en portait un de couleur blanche sous l’habit. Il était d’étoffe fine à la différence de l’habit, qui devait être de laine grossière. On devine des luttes et des pressions en faveur du scapulaire selon une progression ascendante, qui aboutit à son implantation comme habit. Dans la législation, on ne fournit aucun motif de cette transformation. à l’inverse, en ce qui concerne la modification de la cape, on fit valoir de puissants arguments. Sans doute y a-t-il pour le scapulaire une raison qu’il n’est pas habituel de mentionner et qui appartient au domaine interne de l’Ordre. Il fallait que cette raison soit très forte. Les lois supposent que le motif, qui pousse les législateurs à introduire un tel changement est connu de tous les religieux.
On impose d’abord le port du scapulaire la nuit sous peine de faute grave et à la messe conventuelle pour le célébrant et ses acolytes. Les servites devaient aussi le porter la nuit en tant qu’il était pour eux une partie de leur habit, mais aussi parce que la Vierge le leur avait désigné comme étant « le vêtement de la Vierge ». Pour les Carmes rien n’est encore dit d’un caractère sacré de cet habit, ce qui parait mystérieux.
Dans les constitutions de 1281, le scapulaire n’est pas encore l’habit et, malgré cela, il est traité avec un grand respect et beaucoup de dévotion comme le montrent les trois éléments suivants :
- L’obligation grave de le porter pour dormir.
- La nature plus fine de son étoffe par rapport au reste de l’habit.
- La possibilité de le porter sous l’habit.
Cela ne peut s’expliquer par le désir d’imiter d’autres ordres mendiants qui avaient le scapulaire. Il y avait aussi des ordres mendiants qui ne le portaient pas et si tel avait été le motif, on en aurait fait immédiatement une pièce de l’habit comme c’était le cas pour les dominicains et les servites. Le caractère dévotionnel semble le motif le plus profond capable de rendre compte de cette législation.
Un puissant courant dévotionnel à l’endroit du scapulaire devait animer les capitulants des chapitres successifs pour tendre à le convertir peu à peu en habit de l’Ordre. Obliger les religieux en 1281, à dormir avec alors qu’il ne fait pas partie de leur habit, serait une violence si en arrière fond il n’existait pas une motivation profonde recevable par l’ensemble des religieux. Cette motivation nous est transmise par une tradition de l’Ordre sur l’apparition de la Vierge à Saint Simon Stock, où elle lui aurait remis le scapulaire pour qu’il soit l’habit de l’Ordre. Les premiers récits qui nous en sont parvenus remontent à la fin du 14e siècle. Tous les auteurs du 15e siècle nous parlent de cette vision. Cette tradition se voit confirmée par les changements intervenus dans la législation sur l’habit au cours du 13e siècle, car ils sont tout à fait cohérents avec la remise par la Vierge du scapulaire comme habit de l’Ordre. On voit que l’Ordre n’eut de cesse qu’il ne parvint à réaliser ce changement et cela, à partir des documents écrits contemporains de cette période.
Comment expliquer que ce changement ne soit pas intervenu plutôt, du vivant même de Saint Simon Stock ?
Celui-ci n’avait pas autorité, comme général, pour changer l’habit de l’Ordre. Il fallait pour cela la décision d’un chapitre général et sa confirmation par le Saint Siège. De plus, il s’agissait d’une vision privée dont le bénéficiaire, quoique général, n’était pas pour autant le fondateur de l’Ordre. Il devait donc procéder avec prudence. Il y eut certainement des opinions contraires exprimées au cours de ces chapitres pour empêcher que l’on touche à l’habit de l’Ordre. De fait, en 1263, rien n’a encore été changé. Le général suivant, Nicolas le français, est un bon témoin de ce courant d’opposition. Dans « la flèche ardente », il ne fait aucune mention de son prédécesseur et affirme son désaccord par rapport aux orientations actuelles de l’ordre sur trois points : la vie dans les villes, l’apostolat et les études. Il regrette la solitude, la vie érémitique, le silence de la vie menée sur le Mont Carmel. Dans son esprit, admettre un changement de l’habit pour le motif que Simon Stock aurait été le bénéficiaire d’une vision de la Vierge, c’eût été approuver les orientations prises par le précédent général et devoir reconnaître que la Vierge elle-même, Patronne de l’ordre, les avaient avalisées. Le successeur de Nicolas le français était aussi pour le retour à la vie érémitique et il faut attendre le Chapitre de Londres de 1281, présidé par Pierre de Amiliano, pour voir réapparaître le courant inauguré par Saint Simon Stock. C’est de fait, ce même Chapitre, qui décide d’établir le studium de l’Ordre à Paris. Pierre de Amiliano laisse entrevoir que des religieux portaient le scapulaire à titre privé et le tenaient en grande estime. Ils devaient être en nombre suffisamment grand pour que l’on estime utile de légiférer sur lui. Le fait que dans les chapitres suivants, on en fasse progressivement l’habit de l’Ordre témoigne en faveur de l’historicité de la vision du scapulaire.
Les Chapitres de Montpellier et de Bordeaux semblent faire preuve d’une certaine timidité pour déclarer ouvertement le scapulaire comme habit de l’Ordre. A Montpellier, on affirme simplement que la cape n’est pas la pièce essentielle de l’habit bien qu’au Chapitre précédent, elle ait été désignée comme le ‘signe de notre religion’ et comme le ‘signe de la profession’ : Il fallait punir le religieux qui sortait sans cape et l’une des peines les plus graves consistait encore selon les constitutions de Bordeaux, à retirer sa cape à un religieux, ce qui équivalait presque à une exclusion de l’Ordre. Le Chapitre de Montpellier profita de la description qu’il dût faire de la nouvelle cape pour parler du scapulaire et en faire une pièce habituelle de l’habit. Nous savons alors quelle était la fonction de l’habit et de la cape, mais on nous tait la raison d’être du scapulaire. Ce Chapitre protégé par plusieurs évêques, archevêques et cardinaux et surtout par le Pape Honorius IV, se sent en mesure de mener à son terme une réforme de l’habit dans son ensemble, mais ne désire pas attirer l’attention sur le scapulaire dont il introduit le port habituel.
Les écrits des 15e et 16e siècles, qui relatent la vision de Saint Simon Stock, disent tous que la Vierge tenait à la main le scapulaire de l’Ordre. Cette étude montre que le scapulaire n’appartenait pas à l’Ordre au moment de cette vision. Il était encore moins l’habit de l’Ordre et ces auteurs ont transposé dans les récits anciens les vocables de leur temps où le scapulaire était reconnu par tous comme l’habit de l’Ordre du Carmel.
« Celui qui meurt avec cet habit, se sauvera et elle lui remit le scapulaire. »
Ce texte se trouve dans le sanctoral qui accompagne le Viridarium de Juan Grossi, général de l’Ordre à la fin du 14e et au début du 15e siècle, ainsi que dans le Speculum carmelitanum de 1680. Par ces paroles, la Vierge manifeste son désir que le scapulaire devienne l’habit de l’Ordre. C’est ce que les Carmes cherchèrent à réaliser à partir du Chapitre de Londres.