La prédication de Jean Baptiste avait suscité en Israël un formidable élan de conversion. Tous ceux et toutes celles qui se décidaient à changer de vie et à faire à Dieu toute sa place venaient se plonger dans les eaux du Jourdain en signe de renouveau intérieur.
Jésus, volontairement, a voulu rejoindre l’élite de son peuple, non pas l’élite du pouvoir, de l’aisance et de la culture, mais une élite de la foi et de la confiance en Dieu. C’est pourquoi, bien que sans péché, il est venu se faire baptiser par Jean.
Il a donc inauguré sa vie publique par un acte d’humilité et de solidarité avec les hommes qu’il venait sauver, et c’est ce moment que Dieu a choisi pour manifester sa solidarité avec son Fils.
En remontant de l’eau, Jésus voit le ciel se déchirer et l’Esprit, comme une colombe, descendre vers lui. Au même instant, accompagnant ce vol de l’Esprit qui le désignait, une voix partie du ciel, la voix de Dieu, se fit entendre : « C’est toi mon Fils, le Bien-aimé, en toi j’ai mis ma faveur ».
Jésus qui entend, le Père qui parle, l’Esprit qui descend : dès la première page de l’Évangile, c’est la Trinité sainte qui se manifeste, et c’est le mystère de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, qui commence à se révéler.
Au moment même où Jésus s’humilie et veut se faire frère parmi des frères, Dieu le Père le fête comme son Fils, son Bien –Aimé, celui en qui il se reconnaît et se complaît. Toutes proportions gardées, c’est bien cette grâce filiale que nous vivons lorsque nous laissons faire Dieu : dès que, loyalement, nous cherchons la route de l’humilité, dès que nous vivons une vraie solidarité avec nos frères et sœurs, Dieu nous fait fête comme à son bien-aimé.
Cette page de l’Évangile de Marc est l’une des toutes premières écrites à propos de Jésus ; la lettre de Jean est au contraire l’une des dernières œuvres du Nouveau Testament.
Elle reprend, à sa manière, le thème du baptême de Jésus, mais à la lumière de sa mort qui nous donne la vie. La pensée est un peu difficile à suivre, comme si nous n’avions en fait que des notes prises au cours d’une causerie d’un Apôtre.
« Qui est le vainqueur du monde (c’est-à-dire des forces du refus), dit cette lettre de Jean, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? » Être chrétien, en effet, ce n’est pas seulement croire que Dieu existe et qu’il peut tout, mais qu’il a agi et veut agir par son propre Fils venu parmi nous. « C’est lui, poursuit Jean, qui est venu par l’eau et le sang, Jésus Christ, non pas avec l’eau seulement, mais avec l’eau et le sang ».
Non seulement il est venu à nous et nous a prouvé sa solidarité par l’eau de son Baptême,mais il vient encore à nous et nous prouve son amour par l’eau et le sang qui ont jailli, sur la croix, de son côté ouvert par la lance. Cette eau et ce sang n’ont été versés qu’une fois, mais en un sens ils continuent de jaillir chaque jour dans l’Église, car ils préfiguraient l’eau de notre baptême et le sang de la coupe pour nos Eucharisties.
C’est de cela que l’Esprit Saint témoigne aujourd’hui dans l’Église : c’est tout le mystère de Jésus qui nous sauve, de Noël au Cénacle, du Baptême à la Croix ; et le Jourdain qui nous baptise, c’est le fleuve d’eau vive, c’est l’Esprit Saint qui a jailli pour nous de la mort glorifiante de Jésus .
Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.