Textes liturgiques (année C) : Ex 17, 8-13 ; Ps 120 (121) ; 2 Tm 3, 14 – 4, 2 ; Lc 18, 1-8
Cette question me vient à la tête, mais plus au cœur, après ce texte que nous avons entendu en première lecture, tiré du Livre de l’Exode (Ex 17, 8-13) : Moïse se tient sur la montagne les mains levées tandis que le peuple lutte dans la plaine. Et il faut apporter de l’aide à Moïse pour que ses mains restent levées vers le Ciel : elles assurent la victoire des Hébreux sur leur ennemi les Amalécites. L’un prie et les autres combattent. Il y a une double action : la prière et le combat. Nous, nous nous interrogeons bien souvent sur le « sort » de nos prières. Dieu entend-il le cri de ses enfants exprimé dans la prière ? Parfois, il nous semble que Dieu serait parti en vacances. Aurait-il des RTT, ou est-il affairé à d’autres problèmes, si bien que nos prières restent sans effet, sans réponse. Qui d’entre nous oserait dire que ce doute ne l’a jamais traversé ? Le Ciel est-il bien habité ? Allo, je parle…Y a-t-il quelqu’un au bout du fil, là-haut ? Et Jésus dans l’Evangile souligne que le découragement ne doit pas être l’hôte de notre vie, surtout dans la vie spirituelle. Ainsi cette veuve – la plus pauvre de la société de l’époque – ne perd pas courage face à ce juge qui ne porte que le nom, car son cœur est loin de toute justice pour celles et ceux qui s’adressent à lui. Mais, malgré l’attitude révoltante de ce juge, cette veuve ne baisse pas les bras et frappe sans cesse à la porte de ce juge, tant que la justice ne lui sera pas rendue !
Ainsi en est-il dans l’enseignement de Jésus sur la prière : ne nous décourageons jamais ! Dieu réalisera ce salut promis sans tarder. Mais avons-nous assez de persévérance et de foi pour oser demander toujours sans découragement ? Acceptons-nous que notre prière ne soit pas exaucée sur le champ quand nous risquons de confondre Dieu Père de tout Amour comme un distributeur automatique de nos désirs ?
Par son insistance, la veuve de l’Evangile témoigne qu’elle reste convaincue que ce juge, qui ne respecte pas Dieu et se moque des hommes, finira par lui rendre justice. Alors combien plus encore Dieu recevra-t-il les demandes de ses enfants. Mais nos prières sont-elles habillées de la foi ? Depuis quelques dimanches, Jésus nous propose de renouveler notre foi, c’est-à-dire de quitter un savoir, une habitude, un « doux refrain », pour ouvrir un chemin de renouveau, d’approfondissement et de renouvellement de notre vie de croyant. L’apôtre Paul se fait une fois encore notre guide et notre formateur. Et nous devenons toujours ce Timothée, que l’Apôtre veut former et encourager sur le chemin de la foi. En écoutant les consignes que Paul donne à Timothée (2 Tm 3,14-4,2), c’est à nous que ces recommandations s’adressent aujourd’hui. Ces consignes d’hier restent valables aujourd’hui encore. Elles gardent toute leur actualité et leur fraîcheur. Pour Paul, le compagnonnage avec la Parole de Dieu est essentiel. Aussi aime-t-il à le rappeler à son disciple, mais à nous aussi rassemblés pour cette Eucharistie : « Tu dois en rester avec ce qu’on t’a enseigné, tu dois même t’y accrocher », recommande l’Apôtre. Cela n’a rien de commun avec un traditionalisme crispé, mais ouvre la perspective d’une dynamique de l’histoire. L’Écriture n’est pas « utile » en ce sens qu’elle pourrait être utilisée au gré de chacun pour justifier ses idées personnelles, ses options, ses jugements, etc…Mais l’Évangile, Parole de Dieu, est « Visitation » de Dieu pour chacun de nous. Sa Parole doit être accueillie comme un germe, une fécondation de l’Esprit de Jésus en nous qui renouvelle sans cesse notre connaissance aimante de Dieu, Père rempli de miséricorde. Cette fréquentation nous fait reconnaître Dieu, le « Vivant ».
Lors du VIIe Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles, en septembre dernier, au Kazakhstan, sur fond de guerre en Ukraine bien sûr, mais aussi de violences faites aux femmes en Iran et ailleurs, devant tous ces représentants des religions, le pape François a déclaré : « Purifions-nous donc de la présomption de nous sentir justes et de n’avoir rien à apprendre des autres. Libérons-nous de ces conceptions réductrices et destructrices qui offensent le nom de Dieu par les rigidités, les extrémismes et les fondamentalismes, et le profanent par la haine, le fanatisme et le terrorisme, défigurant également l’image de l’homme ». Purifions-nous donc de la présomption de nous sentir justes…Il y aurait beaucoup à méditer sur cet appel vibrant et si actuel (Cf. « Guerre et religions » F. BOYER, La Croix) A la question posée en commençant cette homélie : « Qui me tiendra les mains ? » comme Moïse pour que Dieu accueille ma prière, une réponse se dessine. Je n’ai pas besoin que l’on me tienne les mains, mais j’ai besoin d’ouvrir mes mains pour recevoir l’Évangile, la Bonne Nouvelle du salut. Alors je découvrirai que je suis encore au commencement d’une histoire avec Dieu que je ne connais pas assez, mais qui vient à ma rencontre en son Fils Jésus et qui ouvre pour moi un espace de renaissance, de vie nouvelle.
Ainsi la phrase qui termine notre passage de l’Evangile : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » ne sera plus comme un couperet, mais pourrait devenir en nous une invitation à recevoir l’Evangile comme une force de vie, capable de renouveler notre foi et notre agir chrétien.
Notre monde semble chargé de bien des difficultés. Notre Eglise n’est pas exempte de maux qui la fragilisent… Aussi notre prière semble faible et parfois inaudible face à ces moments d’incertitude et de découragement. Mais aujourd’hui, rassemblés pour cette Eucharistie, laissons Dieu nous visiter et nous assurer de sa Présence. Notre découragement s’explique. Mais Dieu ne saurait nous oublier. Que notre espérance s’améliore. Avec le psaume entendu, osons dire aussi : « Je lève les yeux vers les montagnes : d’où le secours me viendra-t-il ? (…) Le Seigneur te gardera, au départ et au retour, maintenant, à jamais.