Les écrits d’Anne de Jésus ont été traduits et publiés en français aux éditions du Carmel. Ils sont constitués de différents types de documents :
- déclarations à propos de sainte Thérèse de Jésus ou de fr. Luis de Léon
- récits de fondations de carmels (Grenade et Paris)
- rares poésies
- actes de gouvernement
- près de 90 lettres qui permettent de suivre sa vie
Voici la plus ancienne lettre alors que la surnommée « capitaine des prieures » a 33 ans. Pour mesurer la force de cette lettre savoureuse, il importe de donner quelques éléments de contexte. Anne de Jésus est alors prieure du monastère de Beas de Segura, à la fin de l’année 1578. Depuis trois ans, le carmel déchaussé est en période de crise et placé sous la surveillance des carmes « chaussés ». Le P. Juan Gutiérrez de la Magdalena est provincial des carmes chaussés de Castille entre 1576 et 1579 et ne ménage pas ses peines contre les fondations de la Mère Thérèse…
Il écrit à la prieure de Beas qu’il va venir faire la visite canonique comme provincial puisque les Déchaux et Déchaussées viennent d’être mis par le Nonce sous le gouvernement des Provinciaux Chaussés. Dans cette lettre, il invitait aussi la branche dissidente des carmélites déchaussées à revenir au « tronc » des Carmes.
La Mère Anne lui répond que sur le plan juridique le couvent de Beas n’appartient pas à la province de Castille mais à celle d’Andalousie ; aussi les sœurs ne l’admettront-elles pas comme visiteur et encore moins pour défaire l’œuvre de sainte Thérèse… Nous voyons ici la forte personnalité d’Anne et combien elle pourra user de ses ressources de courage et de pugnacité face aux aventures suivantes.
Voici le court texte de Sr Anne répondant au Supérieur présumé :
Beas de Segura, fin 1578 ou début 1579
Père, j’ai reçu votre lettre.En ce qui concerne votre venue dans ce couvent, si ce n’est que pour que nous vous y servions et que vous nous donniez votre sainte bénédiction, nous en serons très honorées ; mais si c’est pour y faire la visite (canonique), je ne sais comment cela serait possible : cette maison en effet est du ressort de la province d’Andalousie, et non de celle de Castille, comme vous le savez : aussi je ne vois pas comment nous pourrions permettre cette visite.Et surtout si vous voulez défaire ce qu’a fait le Saint Esprit par l’intermédiaire de notre sainte Mère Thérèse de Jésus.Quant à ce que vous me dites, de « revenir à notre tronc », vous savez bien, et mieux que moi, que notre tronc à tous, c’est Dieu, et que c’est à Lui surtout que nous avons donné nos cœurs. Le second tronc, c’est notre père Élie : nous essayons de l’imiter intérieurement et extérieurement, du mieux que nous pouvons. Il ne semble pas que puisse courir un danger celui qui a un tel pôle, et un tel guide.Que Dieu garde votre Paternité, etc.