Jésus, Roi de l’univers (Homélie Jésus Christ Roi de l’Univers - 21/11/21)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Dn 7, 13-14 ; Ps 92 (93) ; Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33b-37

Je commencerai par vous faire un aveu : je n’apprécie pas ce titre… Ou plutôt, je voudrais que cette fête de Jésus « Roi de l’univers », voulue par le pape Pie XI en 1925, soit bien comprise. Roi, Jésus l’est bien sûr. Mais pas à la manière de ce que pouvons connaître et penser de la royauté aujourd’hui. Effaçons toutes nos images qui habitent notre imaginaire : de la reine d’Angleterre traversant Londres en carrosse doré, accompagnée par tout un protocole… Quittons cette royauté-là et toutes les autres pour accueillir cet homme, Jésus de Nazareth, qui vient à notre rencontre aujourd’hui encore. Il traversait la Palestine, accompagné par ne bande d’hommes aux parcours si différents.

Approchons-nous de Jésus et de tous ceux qu’il a rencontrés. Recevons l’attention qu’Il porte à chacun… Non, rien dans sa façon d’être proche, attentif, à l’écoute… rien ne peut laisser apparaître quelques traces d’une royauté humaine. Aucun service d’ordre ne veille sur lui. Une des forces de cet homme, Jésus de Nazareth, se trouve dans cette volonté de vivre une proximité à tous et à chacun. D’ailleurs lui-même s’est enfui dès lors que la foule, après le miracle de la multiplication des pains, a voulu le faire roi. Aussitôt, Jésus a pris de la distance avec le rêve de cette foule bigarrée et errante, pour rejoindre Dieu son Père dans le silence et entrer dans un temps de prière, recueillant de son Père la force de poursuivre sa mission. Il est cette main de Dieu tendue vers les hommes, quel que soit leur itinéraire social, familial ou religieux.

Roi, Jésus l’est bien, mais d’une autre façon. Et le signe de sa royauté trouve son développement lorsqu’il lave les pieds de ses disciples, ceux qui seront appelés, au lendemain de la résurrection, à quitter leur peur et annoncer la Bonne Nouvelle du salut pour tous.

C’est dans l’humble quotidien de la rencontre, dans cette proximité avec tous et plus particulièrement avec tous les pauvres de toutes les pauvretés humaines, que Jésus ouvre pour chacune et chacun rencontrés, un espace de renouveau. Il offre une digité insoupçonnée. Une force créatrice, un goût de vivre sortent de sa personne. Elle a toutes les saveurs des Béatitudes.

Alors là OUI, la royauté est en œuvre en lui, le charpentier de Nazareth. Elle façonne chez lui une humanité nouvelle lorsque le Fils de Dieu vient rencontrer l’humain en vérité. Lorsque la Samaritaine reconnait son histoire, que Pierre pleure son reniement, que Marie Madeleine se voit confier la charge d’annoncer aux apôtres terrorisés et dubitatifs face au tombeau vide, que leur Maître est ressuscité. Que Thomas, l’incrédule, reconnait dans les plaies du ressuscité, le condamné cloué sur la Croix, alors là sa royauté se manifeste avec toute sa force et sa beauté. Il est Roi et il donne la vie. Jésus ouvre des chemins de vie

Et si l’évangéliste Jean a mis cette scène du dialogue de Jésus avec Pilate, c’est bien pour nous inviter à entendre la question de Pilate : « Es-tu le Roi des Juifs ? ». Mais il nous faut recevoir sa réponse : « Ma royauté n’est pas de ce monde » affirme alors Jésus dans cette parodie de procès. En effet, Jésus se revèle le serviteur de Dieu son Père. Pour Pilate, Jésus n’apparaît pas comme un zélote, un révolutionnaire, un anarchiste, comme ses détracteurs aimeraient le voir condamné et vite. Sa présence trouble Pilate et il cherche alors à en savoir davantage. Pilate, représentant l’empereur César qui est à Rome, devine que ce coupable blessé par les tortures, porte en lui autre chose qu’un délit de trouble public. Quel est donc son secret ?

Cette question qui trouble Pilate ne pourrait-elle pas être la nôtre ce dimanche ? Qui est ce Roi, qui porte comme insignes royaux, une couronne d’épines et une tunique rouge et que les soldats maltraitent ? Est-ce ainsi que l’on traite un roi ? Non, bien sûr !

Car célébrer Jésus, Roi de l’univers, c’est reconnaître en Jésus l’envoyé du Père, le Fils bien-aimé de Dieu. C’est accepter d’entrer à nouveau, à notre tour, à sa suite. Non comme de partisans habiles qui flattent le roi pour obtenir des faveurs, mais comme des disciples, c’est-à-dire de celles et ceux qui se mettent à l’écoute du Maître pour devenir progressivement lais réellement des envoyés, porteurs de l’Évangile.

Fêter Jésus, le Roi de l’univers, c’est oser renouveler notre vie Chrétienne, grâce à la liturgie qui nous rend toujours plus présent Jésus à travers sa Parole et les sacrements de l’église. C’est accepter de suivre le Christ, en choisissant comme lui, d’aller à contre-courant des mœurs du monde pour accueillir sans cesse la force de Dieu… dans sa faiblesse. C’est oser reconnaître que je ne connais pas vraiment Jésus et son message et que je dois me mettre à son écoute, à son école, pour recevoir cette vérité sur Dieu et sur son envoyé.

Cette page d’évangile nous invite à suivre Jésus, le Roi de l’Univers. Mais souvenons-nous que depuis notre baptême, nous sommes nous aussi appelés à être prêtres, rois et prophètes.

Aussi, cette dignité royale nous est offerte. Elle habite en nous et prend sa source dans la vie de Jésus méditée, nous laissant jour après jour façonné par la grâce de l’Esprit Saint. Laisser vivre cette dignité que le baptême nous a donnée et oser la regarder vivante en moi et chez ceux que je rencontrerai cette semaine, ne serait-ce pas alors reconnaître et vivre de cette dignité insoupçonnée ? En Dieu et en son fils Jésus venu nous sauver et par la grâce de l’Esprit Saint, nous sommes appelés à vivre de cette dignité royale. Tout être a du prix aux yeux de Dieu, car Dieu a choisi de faire en chacun sa demeure. Allons-nous en vivre cette semaine ?

Fr. Didier-Joseph Caullery, ocd - (couvent d’Avon)
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