Dans la foule anonyme du Temple, nous rejoignons un petit groupe qui passe inaperçu : un vieillard et un tout jeune foyer.
Marie serre dans ses bras l’offrande du monde, le propre Fils de Dieu ; et lui, Joseph, apporte l’offrande des pauvres : deux jeunes colombes. Quant à Siméon, il n’est ni prêtre, ni rabbi ni lévite. Il n’était pas au Temple à attendre l’événement : il vient d’y arriver, poussé par l’Esprit Saint, car c’est un homme de l’Esprit, et trois mots de saint Luc résument sa sainteté :
- c’est un juste, pleinement « ajusté » au vouloir de Dieu,
- c’est un fervent, un hasid, tout en accueil de la miséricorde,
- c’est un fils d’Israël qui attend la promesse, totalement associé au destin de son peuple.
Voilà l’homme de foi, d’amour et d’espérance que l’Esprit envoie au-devant du Messie. Sans un mot, il reçoit l’Enfant : c’est la nouvelle alliance dans les bras de l’ancienne ; c’est l’instant de fidélité que Dieu préparait depuis Abraham.
Puis Siméon, l’enfant au creux du bras, se met à bénir Dieu ; et l’Esprit, illuminant sa prière, dévoile à ce pauvre son propre destin, le destin de l’Enfant et celui de sa Mère.
Pour lui-même, le vieillard parle de départ et de paix : il peut s’en aller vers la mort, puisque déjà il a rencontré, vu et touché celui que Dieu donne pour la vie du monde ; et il s’en va dans la paix, parce que Dieu s’est souvenu de son amour.
Pour l’Enfant, Siméon annonce un destin universel : il sera le salut de tous les peuples. Israël, à qui Dieu montre sa fidélité, et les nations païennes, qu’il prend dans sa miséricorde (Rm 15,7-12), tous les hommes seront éclairés par la lumière qui émane de cet Enfant, par la gloire, l’éclat lumineux, que Dieu, déjà, fait rayonner de la Face de son Christ. Et l’irruption de cette lumière tracera une frontière, dans le cœur de chaque homme et au cœur de chaque groupe humain, entre l’assentiment et le refus : face au Fils de Dieu, au fils de Marie, face à Jésus vrai Dieu et vrai homme, un discernement s’imposera à tout homme, de toute langue et de toute culture, qui révélera le fond de son cœur, la pente secrète de sa liberté.« Toi-même, ajoute Siméon - et un grand étonnement passe dans le regard de Marie - un glaive traversera ta vie » ; l’épreuve révélera le fond de ton cœur ; l’inconnu, I’imprévu, l’incompréhensible réclameront de toi, avec ta soumission de servante, un surcroît d’amour et de pauvreté.
Quant à nous, frères et sœurs, hommes et femmes au cœur partagé, qui sentons si mouvante en nous la frontière entre le don et le refus, entre l’abandon et l’inquiétude, où allons-nous trouver la lumière pour nos pas, personnels et communautaires, et la paix que Dieu nous demande de porter au monde ? ‑ Suivons, rien que pour aujourd’hui, la démarche de Siméon, suivons l’instinct de l’Esprit : entrons au Temple, venons à la prière, recevons l’Enfant : Marie nous le prête un instant ; elle nous le donne chaque jour.
Gardons-le doucement au creux du bras : quand nous portons l’Enfant, c’est lui qui nous conduit.
Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.