Textes liturgiques (année C) : 2 M 7, 1-2.9-14 ; Ps 16 (17) ; 2 Th 2, 16 – 3, 5 ; Lc 20, 27-38
« Jésus répondit aux Sadducéens, ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection… » Ce qui est ici objet de discussion est une question vitale à laquelle aucune personne n’échappe, tôt ou tard : que vais-je devenir après ma propre mort, peut-être proche, que sont devenus ceux qui m’ont déjà quitté(e), parents, frères et sœurs, amis et autres relations ? Pouvons-nous avoir encore une relation vivante avec eux, autre que purement imaginaire ? Sur ces questions la Parole de Dieu est loin de répondre en tout point. Elle n’en livre pas moins l’essentiel. C’est ainsi que dans l’évangile de ce jour Jésus met en valeur deux vérités fondamentales. La première porte sur le comment de la Résurrection, en soulignant ce qu’elle n’est pas, pour mieux faire comprendre ce qu’elle est. La seconde concerne le fondement de la Résurrection et le visage de Dieu qui s’y manifeste : c’est celui d’un amour fidèle.
Jésus souligne que le point de départ des Sadducéens est faux. Vous avez, leur dit-il, une représentation matérialiste et caricaturale de la vie après la mort, comme si la résurrection d’entre les morts était une reprise en mieux de la vie terrestre, après un passage par la mort. Or elle n’est pas un simple prolongement des joies terrestres de ce monde. Il y a deux mondes, dit jésus, « ce monde » et « le monde à venir » dans lequel la vie est une autre vie, de qualité différente. Ainsi le mariage et la sexualité, qui sont les conditions mêmes de la survie de l’humanité sur terre, ne peuvent être transposés dans ce monde céleste où ils n’ont plus de raison d’être : « Les enfants de ce monde se marient. Mais il y a ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la Résurrection d’entre les morts. Qui désigne-t-il par ces mots ? On peut penser et espérer qu’il s’agit de tous les humains qui se convertiront à la miséricorde de Dieu, au moins lorsqu’ils paraitront devant lui. « Ceux-là ne se marient pas ». Pourquoi ? Car ils ne peuvent plus mourir, ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la Résurrection ». Ressuscités, ils ne peuvent mourir.
Il ne dit pas que nous deviendrons des anges, mais "comme" des anges. Dans l’Écriture, les anges n’ont d’autre préoccupation que de servir et de louer Dieu et ils rayonnent de la gloire de Dieu. Nous aurons un corps de gloire, comme celui de Jésus Ressuscité, mais nos désirs ne seront plus les mêmes. Ce qui comptera dans la vie future, ce sera d’être fils et filles de Dieu et de partager la vie de Dieu dans ce monde nouveau. Le rayonnement de la joie de Dieu sera tellement intense que nous trouveront en lui tout notre bonheur. Cela ne veut pas dire que les affections de cette terre seront abolies. Les époux de la terre se retrouveront, mais pour vivre en plénitude ce qu’ils auront cherché secrètement sur la terre : le désir de la vraie vie et l’amour de Dieu. La communion des ressuscités avec Dieu sera au-delà de toutes les amitiés et les contiendra toutes.
Jésus ne donne aucun détail concret sur cette vie après la mort et les quelques mots de cet Évangile gardent quelque chose de mystérieux. Il ne peut en être autrement, car nous ne pouvons nous représenter cette vie nouvelle qui est en dehors du temps. Ne cherchons donc pas à en forcer le secret, comme tentent de le faire les expériences à la mode de communication avec les défunts. Jésus nous dit l’essentiel en affirmant la radicale nouveauté de cette vie qui ne sera pas le simple prolongement amélioré de la vie actuelle et qui comblera notre attente au-delà de ce que nous pouvons imaginer ou concevoir.
Jésus réaffirme ensuite la certitude de la résurrection. "Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants", car il est le Vivant par excellence. Si donc lors de l’épisode du Buisson ardent, il a déclaré à Moïse : "Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob", c’est que ces hommes, bien que morts plusieurs siècles avant Moïse, sont gardés en vie et en dialogue avec Lui, prêts pour la résurrection. La vérité fondamentale est que le fait lui-même de la Résurrection est dans la logique de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Dieu est fidèle à son alliance. Si Israël en est venu à croire à la Résurrection des morts, lorsque les Israélites fidèles à Dieu subirent le martyre, comme le rapportait la première lecture, c’est à la faveur de l’approfondissement de l’alliance. Comment croire que le Dieu qui s’est penché vers les hommes et s’est lié à eux par une Alliance en leur promettant fidélité, comment pourrait-il tant les aimer pour les laisser finir dans un trou ? Le Dieu vivant a fait alliance avec chacun de nous, avec infiniment d’amour et de tendresse, car il désire passionnément nous faire participer à son propre bonheur. « Les eaux de la mort ne peuvent éteindre l’amour » comme dit le Cantique des Cantiques. Voilà l’expérience à laquelle nous sommes conviés nous aussi.
Ainsi, pour Jésus, la vie future de l’homme est d’avance enclose dans la vie de Dieu, et c’est parce que Dieu est vivant que nous vivrons avec lui. Notre foi en la résurrection est certaine, même si ses modalités sont encore entourées de mystère. Essayons avec le secours de l’Esprit de consentir au mystère et de faire un saut dans la foi, malgré nos doutes et nos interrogations légitimes à l’égard de ce que l’œil n’a pas vu, ni l’oreille entendu. Nous savons que c’est à des merveilles que nous sommes promis dans l’au-delà. Il s’agit de tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.