Textes liturgiques (année C) : Ba 5, 1-9 ; Ps 125 (126) ; Ph 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6
De lundi dernier à ce lundi, les Communautés juives fêtent Hanoucca. A cette occasion, la communauté de Fontainebleau a offert dimanche dernier un concert public de musique juive. L’officiant de la synagogue a situé cette fête dans le contexte historique d’un long temps de désert pour Israël. Il n’y a plus de prophètes depuis le retour d’exil. La Parole de Dieu a cessé de retentir. De plus, Antiochus Epiphane, qui occupe la Terre Sainte, a voulu paganiser le peuple juif. La révolte, puis la victoire des Macchabées permet de purifier le Temple et d’y restituer le culte. Bien qu’il n’y ait plus qu’une minuscule fiole d’huile sainte pour allumer la ménorah, le chandelier à sept branches, la lumière brille durant les huit jours de la fête. L’officiant de la synagogue commentait ainsi ce miracle : Israël vivait comme nous aujourd’hui dans un monde désertifié, désenchanté, mais cette lumière a réveillé l’espérance de la venue du Messie, seule capable de réenchanter le monde. Oui, nous sommes aujourd’hui encore dans ce désert du monde d’où la lumière de Dieu semble absente. L’information en temps réel, l’hyperconnexion, les smartphones, les jeux vidéos ou l’intelligence artificielle occupent les esprits et meublent l’imaginaire. Mais paradoxalement, tout cela génère toujours plus de solitude et de vide intérieur. Tandis que les terres se désertifient en de nombreuses régions du monde, nos villes et nos campagnes deviennent des déserts spirituels. Pourtant une annonce retentit aujourd’hui : « la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie. » Avec une grande précision historique, l’évangéliste Luc met en scène de manière grandiose l’irruption de la Parole. Le pouvoir politique est situé dans le cadre du puissant empire romain, tandis que la mention des grands prêtres, et donc du pouvoir religieux, nous renvoie au Temple de Jérusalem, centre de la vie d’Israël. Le désert, c’est ce temps historique où l’oppression politique se conjugue à la surdité religieuse pour entraver la Parole divine. Les futurs acteurs de la Passion de Jésus sont présents en la personne de Pilate, le procurateur romain, et des grands prêtres Anne et Caïphe. Cependant, pour la première fois depuis des siècles s’est levé un prophète dont la fuite au désert dénonce en acte un monde devenu désertique. La parole du prophète Isaïe, vieille de plusieurs siècles, authentifie sa mission de précurseur chargé de préparer les chemins du Seigneur.
Nous recevons aujourd’hui cette parole prophétique comme un appel à ouvrir notre cœur dans la foi à celui qui est venu dans la chair de notre humanité. Il ne nous appartient pas de réenchanter le monde, mais Dieu lui-même vient à nous pour accomplir cette œuvre de lumière et de vie. Le Jour de Noël, nous entendrons cette affirmation étonnante du Prologue selon Saint Jean : « A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. » (Jn 1,12) Devenir enfant de Dieu, c’est avoir le cœur ouvert à l’émerveillement devant le miracle de la vie ; c’est contempler en une simple étable la gloire du ciel ; c’est y entendre résonner le chant des anges et y rejoindre un peuple de pauvres dans une même adoration ; c’est entrer dans la communion du ciel et de la terre. Ainsi, la foi en Jésus réenchante-t-elle un monde plongé dans la nuit, dès lors que nous ne nous laissons pas fasciner par les prodiges de la technologie ou abattre par les forces de morts.
Par ses paraboles et ses miracles, Jésus nous a ouvert le chemin d’un monde réenchanté, nous appelant à reconnaître dans la nature et la vie des humains la présence active du Règne de Dieu. Oui, dans le Verbe fait chair, la présence de Dieu s’accomplit en quiconque croit. Avec Marie et Joseph, nous découvrons alors un monde peuplé d’anges qui veillent sur nous et de saints qui intercèdent en notre faveur. Dans la foi, nous goûtons jusqu’en nos solitudes et nos épreuves la proximité et la sollicitude de Dieu, pour peu que nous remettions vraiment notre vie entre ses mains. Notre ange inspire nos pensées et guide nos pas jusque dans l’humble quotidien, dès lors que notre cœur est à l’écoute de la Parole. Écouter, c’est voir l’invisible lumière et accueillir en nos déserts la joie de la Présence. Que cette écoute guide notre préparation à Noël afin que ce que nous ferons pour apporter aux autres plus de joie, de communion et d’attention soit l’œuvre de celui qui vient pour le salut de toute chair.