La Transfiguration : Révélation de notre vocation divine (Ho 2° dim. carême - Année C)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année C) : Gn 15, 5-12.17-18 ; Ps 26 (27) ; Ph 3, 17 – 4, 1 ; Ph 3, 20 – 4, 1 ; Lc 9, 28b-36

En ce temps de carême qui nous invite à la conversion, la parole de St Paul résonne avec force, et certains d’entre nous pourraient se sentir interpellés : « beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre.  » Se convertir, c’est essentiellement réorienter notre vie vers son véritable sens, vers sa véritable destinée : le Ciel et la communion avec Dieu, notre Père. Tandis que le péché, en définitive, c’est manquer la cible, c’est perdre le sens de notre vie et s’attacher aux choses de la terre : l’argent, la vanité, les plaisirs futiles, etc. Nous oublions les promesses de Dieu et la Terre promise qui est le Ciel et la vie éternelle !

C’est pour nous rappeler notre vocation divine et sa beauté que les évangiles nous rapportent l’épisode de la Transfiguration, que chaque année l’Église nous la présente au début du carême. Tous nos efforts pour vivre notre vocation chrétienne et la fidélité dans les épreuves de la vie trouvent leur sens et leur finalité dans la gloire qui nous attend au terme de notre existence. La Transfiguration de Jésus révèle la manifestation divine dans notre humanité, la gloire et la beauté quand l’homme fait alliance avec Dieu.

Pour ceux qui ont pu parcourir la Terre sainte et gravir le mont Thabor, la première phrase de l’évangile de ce jour peut les faire sourire. «  Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier  ». En effet, le Thabor est loin d’être une montagne, c’est plutôt une belle colline d’un peu moins de 600 mètres d’altitude. Si l’évangéliste emploie ce terme de montagne, ce n’est ni pour exagérer ni pour nous induire en erreur. Il s’agit plutôt de placer l’événement de la Transfiguration dans l’univers symbolique des manifestations du Seigneur à son peuple. Ce qui se déroule sur le mont Thabor, devant Pierre, Jacques et Jean, est du même ordre que ce qui s’est déroulé au mont Sinaï où Dieu donna la loi à Moïse, ou bien dans la fente du rocher où Élie rencontra le Seigneur. Au Thabor comme au Sinaï, nous avons la montagne, la nuée et Dieu, qui nous adresse une parole.

Mais cette manifestation de Dieu, qui s’inscrit dans la symbolique de l’Ancien Testament, à ce moment précis de la montée vers Jérusalem, manifeste aussi la nouveauté de la Nouvelle Alliance. Jésus s’entretient avec les deux personnages qui représentent le mieux les deux sources de la révélation juive : la loi et les prophètes, Moïse et Élie. Ces deux figures emblématiques de la première alliance entourent Jésus et s’entretiennent avec lui, Jésus apparaît alors comme une nouvelle étape de la révélation. Puis la voix du Père se fait entendre : «  Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le  ». Alors, Moïse et Élie s’effacent devant la nouvelle révélation et Jésus reste le seul. Il n’est plus ainsi une simple étape nouvelle dans l’histoire de la révélation, il en est l’achèvement qui, d’une certaine manière, relativise l’ancienne révélation.

L’événement de la Transfiguration réoriente fondamentalement la révélation issue de la première alliance. Car désormais, la parole que le Seigneur nous adresse n’est plus un message, mais une personne, « celui-ci est mon fils ». Moïse et Élie, la loi et les prophètes, proposaient aux croyants un message : faites ceci, ne fait pas cela, et Dieu sera avec vous. Dorénavant, avec la personne de Jésus, la Nouvelle Alliance ne consiste pas d’abord à accueillir une nouvelle loi ou une nouvelle prophétie, mais à croire en l’œuvre de grâce manifestée en Jésus. Certes, nous avons des textes, un Nouveau Testament, certes, nous sommes appelés à nous comporter selon la foi et la morale évangélique. Mais ce qui fait que je suis chrétien, ce n’est pas la pratique, ma morale, mais ma Foi en la personne de Jésus. La vie de Jésus manifeste la véritable voie pour être sauvé, c’est-à-dire pour vivre en communion avec Dieu.

Sa crucifixion démontrait qu’il était un réprouvé, maudit soit celui qui est pendu au bois de la croix. Et Paul nous dira que Dieu l’avait, pour nous, identifié au péché. Mais, après la passion du Christ, Dieu, le Père de Jésus, l’a ressuscité d’entre les morts alors qu’aux yeux de ses contemporains, sa passion et sa mort sur la croix démontraient que Jésus était rejeté de Dieu. Ce rejet, c’était l’extérieur, le visible, le sensible. Car l’intérieur était demeuré intact. Ce que la Transfiguration avait manifesté aux yeux des trois disciples privilégiés demeurait vivant dans la personne de Jésus. La résurrection fera éclater aux yeux des disciples la réalité de la communion profonde de Jésus à la vie divine qui n’est pas vaincue par le mal. Ce qu’ils ont vu de leurs yeux au mont Thabor avant la passion sera à nouveau manifesté aux yeux de tous à la résurrection. Voilà la bonne nouvelle pour tous les hommes, quand Dieu fait alliance avec l’homme, il peut mener jusqu’à son achèvement l’œuvre de vie qu’il a initiée. Malgré le mal qui nous ronge et qui défigure le monde, si je demeure tourné vers le Père dans la confiance et l’amour, la vie divine aura le dernier mot. L’évangile, la bonne nouvelle des chrétiens, ce n’est pas d’abord un récit, un écrit qui nous est transmis sous quatre formes, mais l’événement de la mort et de la résurrection de Jésus. La religion chrétienne n’est pas à proprement parler une religion du livre, de la loi et des prophètes, c’est une religion de la relation vivante et actuelle avec Jésus, présent aujourd’hui à nos côtés.

Si le croyant, comme Abraham, sait quitter le pays où il est errant pour trouver la Terre Promise, c’est-à-dire le lieu où il peut être en communion avec Dieu, s’il sait, comme nous le rappelait Paul dans la seconde lecture, respecter sa vocation spirituelle de fils de Dieu, alors cette œuvre de vie que le Seigneur veut réaliser en nous pourra se manifester, malgré les épreuves que nous traverserons. En ce début de carême, par le récit de la Transfiguration, le Seigneur veut nous redonner courage : «  N’ayez pas peur, je suis vainqueur du monde. Avec moi, vous traverserez les épreuves et les difficultés de cette vie, qui ne signifient pas que Dieu vous a abandonné, et au terme de votre vie, je manifesterai, dans toute votre personne, l’alliance que j’ai conclue avec vous par mon Fils unique » AMEN.

Fr. Antoine-Marie Leduc, ocd - (https://www.carmes-paris.org/couvent-davon)
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