Dès son enfance, Thérèse a de grands désirs de gloire et de sainteté. Ces désirs peuvent apparaître chimériques au regard d’une fragilité humaine dont elle est, par ailleurs, bien consciente. Elle n’y renoncera pourtant jamais, mais elle apprend peu à peu à mettre sa confiance en Dieu et non pas en elle-même. Dieu nous appelle tous à vivre une parfaite communion d’amour avec lui et Thérèse prend au sérieux sa Parole. S’appuyant sur la promesse de Dieu, elle n’omet pas pour autant d’accomplir les faibles efforts qui sont à sa portée pour répondre à cet appel. Sa confiance fonde son espérance : Dieu ne peut manquer d’accomplir ses promesses et de conduire Thérèse à la sainteté qu’elle désire.
Bien qu’employée une seule fois par Thérèse dans ses écrits (Ms. C f°2v°), l’expression « la petite voie » est devenue emblématique de sa spiritualité de l’enfance spirituelle. Pourtant nous ne trouvons pas facilement dans son œuvre une description précise de ce qu’elle entend par cette voie de confiance et d’amour. Cela peut étonner puisqu’il s’agit là du cœur de son message, de ce chemin de sainteté proposé à tous, accessible à tous. En fait, cette réalité a si bien pénétré son expérience qu’elle transparaît à travers tous ses grands textes spirituels. Nous voudrions le montrer en mettant en valeur comment ces textes sont structurés par « la petite voie », même quand Thérèse n’a pas le propos d’en parler directement.
I - Présentation du texte
Voici les cinq éléments constitutifs de la petite voie tels qu’ils apparaissent dans le manuscrit Aau folio 32 r° où nous trouvons l’expression la plus ancienne et la plus concise de cette doctrine.
Le désir de la sainteté et de la gloire qu’exprime Thérèse, va peut-être nous paraître lointain. Pourtant tout être humain porte en lui un désir de plénitude tel que seule la communion à l’Amour infini et éternel de Dieu pourra le satisfaire. Essayons d’accueillir ce texte à partir de ce que nous pouvons rêver de plus grand pour l’accomplissement de notre existence humaine.
II - Notre commentaire
A : La première étape est constituée par la perception d’un écart infini entre le terme de notre désir, la communion avec Dieu, et la perception de nos limites humaines.
A1 : Avoir de grands désirs (ici, le désir de la sainteté). Le désir est au cœur de la dynamique de la foi. Il ne s’agit pas de n’importe quel désir, mais d’un désir qui porte sur l’infini en réponse au désir de Dieu lui-même.
A2 : Reconnaître la réalité de notre faiblesse humaine devant Dieu et y consentir dans la foi. La condition humaine semble dérisoire au regard de l’infini de Dieu. Il est important de l’accepter avec réalisme pour que notre désir de Dieu ne vienne pas se confondre avec un désir imaginaire de toute puissance. Cela signifie que nous devons apprendre à nous connaître et à nous aimer tels que nous sommes.
B : Ce constat d’un écart infini entre Dieu et nous pourrait conduire au découragement, à la résignation ou à l’indifférence. Thérèse, au contraire, nous appelle à une attitude doublement active.
B1 : Au plan spirituel et intérieur, il s’agit de vivre une audacieuse confiance en Dieu, source de notre vrai désir. Le secret de la communion avec Dieu est de ne pas mettre de limite à notre confiance en lui : rien ne lui est impossible, même si ses chemins sont pour nous incompréhensibles.
B2 : Au plan concret et extérieur, il nous faut persévérer dans des efforts à notre mesure pour parvenir à un but qui est pourtant hors de notre portée. L’attitude spirituelle, qui consiste à croire en la promesse de Dieu, ne suffit pas. Nous devons travailler à mettre en œuvre la réalité de l’amour de Dieu dans nos vies.
C : Au terme, nous devons nous abandonner à la miséricorde de Dieu, car lui seul peut conduire notre vie à la pleine communion avec lui en venant lui-même nous rejoindre là où nous sommes.