Recevoir le don de Dieu (Ho 19° dim. TO 08/08/21)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : 1 R 19, 4-8 ; Ps 33 (34) ; Ep 4, 30 – 5, 2 ; Jn 6, 41-51

« Personne ne peut venir à moi si le Père ne l’attire … » L’Évangile proclame cela face à l’opposition que suscite la prétention de Jésus à avoir une origine céleste. L’Incarnation du Fils de Dieu en notre humanité est en effet un scandale pour la raison humaine. Comment admettre que cet homme soit descendu du ciel et qui plus est pour se donner en nourriture ? Sa chair désigne sa condition d’être humain destiné à mourir ; mais sa mort ne sera pas subie ; elle sera choisie librement pour révéler le mystère d’un Dieu, qui est amour et don de soi. Ainsi sa chair est-elle pain de vie pour celui qui croit ; qui mange de ce pain vivra éternellement ! Comment nous est-il donné d’accueillir cela dans la foi ? C’est un don du Père inexplicable qui doit susciter notre émerveillement et notre gratitude ; cette foi gracieusement donnée nous attire vers Jésus de sorte que se réalise en cet homme la prophétie d’Isaïe (54,13) : « Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. » Croire, ce n’est pas tout comprendre, ni même être bardé de certitudes ; c’est être enseignable ; c’est avoir un cœur de disciple capable de se laisser conduire dans l’épaisseur du mystère. C’est aussi reconnaître en Jésus l’unique chemin vers Dieu, une affirmation susceptible elle aussi de causer le scandale dans un monde marqué par le relativisme ; pourtant, c’est bien là l’enjeu de la foi chrétienne : annoncer l’Évangile, ce n’est pas simplement proclamer que Dieu existe et qu’il est Amour, ce qui est déjà beaucoup. C’est annoncer encore qu’il n’y a pas d’autre chemin que Jésus-Christ pour découvrir en vérité ce Dieu d’Amour. Pour entrer dans ce mystère, il nous faut nous mettre à l’école de Jésus, venir à lui, choisir de faire confiance à sa Parole. Nous nourrissons ainsi notre foi moyennant une relation vivante avec lui. Pour cela, Jésus nous demande de manger sa chair en faisant mémoire de son dernier repas pascal : il s’est offert lui-même en partageant à ses disciples le pain et la coupe en signe de sa vie donnée sur la Croix.

Mais n’y aurait-il pas un autre obstacle plus subtil à la foi que son caractère scandaleux ? Jésus nous révèle une chose inouïe, mais aussi très dérangeante : Dieu se donne à nous en son Fils  ! Voilà qui n’a rien de confortable, car ce que nous attendons de Dieu finalement, c’est d’avoir les nourritures terrestres auxquelles nous aspirons comme cette manne obtenue par Moïse lors de la traversée du désert. Or, Jésus vient nous déloger de cette attente sécurisante à l’égard d’un Dieu providence. Le problème est que Dieu veut se donner lui-même et cela devient encombrant tant cela est loin de nos préoccupations. Ce qui est importe pour Dieu, c’est de nous donner le Pain du ciel. Le reste sera donné au jour le jour et nous n’avons pas à nous en inquiéter. Notre véritable dignité est notre capacité à vivre de la Parole de Dieu lui-même, de nous nourrir de sa Vie en son Fils unique et bien-aimé. C’est là la véritable dignité de toute personne humaine, spécialement des pauvres et des exclus de toute sorte. Ce qui est premier en effet pour tout être humain, c’est la parole, car la relation est plus vitale que le pain. Le pain ne saurait nourrir s’il n’est pas le signe d’une relation offerte, d’une communion vécue, d’une affection transmise. Ce qui est vrai de la parole humaine, l’est encore plus de la Parole de Dieu. Jésus est cette Parole par laquelle Dieu se révèle comme étant le Père de tout être humain. Il est jusque sur la Croix cette présence de Dieu capable de rejoindre la personne la plus déshumanisée. Face à la personne en souffrance, le risque est toujours de voir en premier lieu sa détresse et non sa dignité divine. Le don le plus précieux que nous puissions lui faire, c’est celui de notre foi en sa condition d’enfant de Dieu, car ce dont elle a faim plus que tout, fut-ce sans le savoir, c’est d’une parole venue du ciel. La Parole de Jésus reçue dans la foi est la vraie nourriture, car elle nous donne de nous savoir divinement aimés. L’ignorer, ce n’est pas vivre ; c’est survivre. Le croire, c’est s’ouvrir à la Vie de Dieu. Voilà donc ce qui est vital et ce pourquoi le Père nous attire à son Fils, non pas seulement pour nous, mais pour que le monde ait la vie. Ce monde dépérit de solitude, d’injustice ou de désastres écologiques. La foi est un appel pressant à en prendre soin. Recevoir le don de Dieu en mangeant le pain venu du ciel, c’est pouvoir vivre de cette vie qui est don de soi et sollicitude pour le monde.

Fr. Olivier-Marie, ocd - (couvent d’Avon)
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