Les lectures de ce jour veulent nous faire découvrir le mystère de Dieu en nous révélant la profondeur de ce Dieu d’Amour et de Paix selon l’expression de St Paul. Dès la première révélation, le Seigneur se découvre à Moïse comme « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ». C’est cet amour qui le pousse à venir nous sauver « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » nous rappelle l’évangile. Fêter et célébrer la Sainte Trinité, c’est fêter et célébrer l’amour qui est à l’origine et au terme de toute vie.
Le Seigneur s’est révélé auprès des hommes par sa sollicitude pour nous, par ces intentions bienveillantes auprès des hommes. Et avec Jésus, nous allons au-delà de la simple compréhension de la manifestation de l’amour de Dieu. Nous comprenons que non seulement Dieu agissait avec amour et par amour, mais qu’il était l’amour même. Avec Jésus, Dieu s’est révélé comme communion d’amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint. Et les trois Personnes sont solidairement impliquées dans le mystère de notre salut : l’initiative vient du Père qui envoie son Fils, et c’est vers le Père que Jésus conduit l’humanité réconciliée, sous la conduite de l’Esprit. Oui, c’est cet Amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint qui est la source et le sommet de la Foi chrétienne. Mais cela ne veut pas dire qu’il est facile de comprendre le mystère de la Trinité. Pour certains croire en Dieu est déjà difficile, ce n’est pas évident, alors croire en notre Dieu Trinité, c’est d’une certaine manière compliquer encore la Foi. Mais loin de compliquer la Foi, le mystère de la Trinité nous donne une clef de lecture pour comprendre notre monde.
Si l’on peut dire que Dieu est par essence l’amour, c’est parce que nous croyons qu’il n’est pas solitaire. En effet, il n’y a d’amour que s’il y a une personne qui aime et une personne aimée. Si je suis seul, si je n’aime rien ni personne, à la rigueur je peux avoir un désir d’aimer, mais je ne peux pas dire que j’aime. Or dire que Dieu est amour, c’est donc dire qu’en lui-même, et indépendamment de la création, il y a une possibilité d’échange, de relations. Dire que Dieu est amour, c’est dire qu’il y a en lui-même une personne qui aime et une personne aimée. Car l’amour n’existe pas en théorie, ni de manière abstraite, il n’existe que dans la réalité d’une relation, d’un amour en acte et en vérité. Chacune des trois personnes n’existe pas pour elle-même, elle n’est qu’en étant pour les deux autres. Le Père n’existe comme Père distinct du Fils qu’en se donnant tout entier au Fils. Et le Fils n’existe comme Fils distinct du Père qu’en étant tout entier un élan d’amour pour le Père. Le Père n’existe pas d’abord comme une personne constituée en elle-même et pour elle-même : c’est l’acte d’engendrer le Fils qui le constitue comme personne. Et l’Esprit Saint est à la fois l’acte du don du Père au Fils, et la réponse du Fils au Père. Ainsi, chaque personne n’est en soi qu’en étant hors de soi. Ce qui nous est ainsi révélé, c’est que la relation d’amour est la forme originelle de l’être. C’est-à-dire que le fond de l’être divin est cette communion d’amour.
Créée à l’image et à la ressemblance divine, l’humanité trouve dans la Trinité la source et le modèle de sa vocation à l’amour. Ce mystère trinitaire est l’affirmation que nous sommes appelé à la communion, semblables et divers, semblables de par notre dignité et divers de par nos caractéristiques. N’est-ce pas ce que nous avons le plus besoin d’apprendre, pour bien vivre dans ce monde ? C’est-à-dire que nous pouvons être divers par la couleur de notre peau, notre culture, notre sexe, notre race, notre religion, mais que nous jouissons de la même dignité, comme personnes humaines.
C’est dans la famille et le couple que cet enseignement s’applique d’abord et le plus naturellement. La famille devrait être un reflet terrestre de la Trinité comme communion d’amour dans la diversité. Le succès d’un mariage et d’une famille, comme d’une communauté religieuse, dépend de la capacité de cette diversité à tendre vers une unité supérieure : unité d’amour, d’intentions, de collaboration. La communion conjugale et familiale se construit à partir des différences surmontées et harmonisées, du respect de chacun et de la collaboration de tous au bien commun. Tout cela suppose l’effort d’accepter la diversité, ce qui est difficile pour nous et demande une certaine maturité.
Cette révélation du Dieu Trinité est donc capitale, car c’est elle qui permet à l’être humain de se comprendre lui-même. Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme se comprend d’abord comme fruit de l’amour divin. Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme se découvre ensuite fondamentalement comme un être de relation et de communion. Tout homme découvre en lui ce désir d’aimer et d’être aimé, désir qu’il ne se réalisera pleinement qu’en entrant dans un mouvement de don de soi et d’accueil de l’autre. Ce mystère nous révèle que notre destinée n’est rien d’autre que le travail d’une conversion permanente qui consiste à dépasser notre manière étriquée d’aimer.
Nous pouvons ainsi comprendre que le mystère de la Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Central pour la foi, car si nous pouvons dire que Dieu est amour, c’est parce qu’il est communion trinitaire. Central pour la vie chrétienne, car la réalisation de notre vocation consiste à participer pleinement à ce mystère de communion, de don de soi et d’accueil de l’autre.