Textes liturgiques (année C) : Ba 5, 1-9 ; Ps 125 (126), Ph 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6
Frère et sœur, en ce 2e dimanche de l’Avent, arrêtons-nous sur la seconde lecture : l’épitre de saint Paul au Philippien. Le verset 3 qui a été coupé dans notre liturgie disait : « Je rends grâce à Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous » (Ph 1,3). Paul est dans l’action de grâce et sa prière saisit tout et tous dans cette action de grâce. Il y a vraiment une totalité de l’action de grâce de Paul, « À tout moment, chaque fois que je prie pour vous tous, c’est avec joie que je le fais » (Ph 1,4).
C’est « à tout moment » (« toujours » dira la Traduction Œcuménique de la Bible) ; C’est « chaque fois », (nous pourrions dire également « chaque jour ») ; C’est « pour vous tous ». Chaque jour Paul fait une prière d’action de grâce, sans laquelle il fait mémoire de tous et en tout temps. Et cela il l’accomplit avec joie. Cela nous interroge que notre propre vie de prière. L’accomplissons-nous avec joie ? Avons-nous le souci de cette totalité : « pour tous », « à tout moment » ; …
Si Paul peut agir ainsi, c’est parce que lorsqu’il regarde une situation, il ne fait pas ce que nous faisons trop souvent ; Nous, nous commençons par voir ce qui ne va pas et par critiquer ce qui va. Or avec Paul nous sommes invités à changer de regard pour voir, pour discerner le plus important, c’est à dire : l’action de Dieu, l’œuvre de Dieu dans le cœur de chacun. Il s’agit de reconnaître d’abord et avant tout ce que Dieu a déjà fait en nous et dans le monde.
Je vous invite à prendre du temps aujourd’hui pour contempler l’œuvre de Dieu ou plutôt pour contempler Dieu à l’œuvre :
- À l’œuvre en moi dans mon histoire,
- À l’œuvre dans ma communauté de vie,
- À l’œuvre dans son Église. Et à rendre grâce pour cela.
Paul prie pour tous et pour chacun, il prie en tout temps, toujours. Aujourd’hui, la Parole de Dieu nous invite à dépasser le niveau simplement superficiel des sympathies et des allergies et à prier pour tous, pour toutes, à rendre grâce pour l’œuvre que Dieu accomplit dans le cœur de chacun et de chacune. Il me semble que le plus grand acte de charité que nous pouvons faire les uns pour les autres, c’est de prier les uns pour les autres, parce qu’en priant, nous allons arriver à ce que dit saint Paul : Une « vive affection pour […] tous dans la tendresse du Christ Jésus » (Ph 1,8). Il s’agit d’aimer véritablement. Non pas d’aimer par soi-même, mais d’aimer avec la tendresse du Christ Jésus. C’est la prière d’action de grâce faite, « chaque fois », « pour tous », qui nous permettra d’entrer peu à peu dans la tendresse du cœur de Jésus, qui permettra à cette tendresse d’envahir notre cœur et d’aimer véritablement.
Nous pouvons relire la très belle encyclique du Pape François, Dilexis nos (Il nous a aimé), sur l’amour humain et divin du cœur de Jésus-Christ.
Puis après avoir rendu grâce, après avoir épanché les sentiments profonds de son cœur, qui puisent leur être à la source du cœur de Jésus lui-même, Paul nous livre le contenu de sa prière : « Dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. Ainsi, serez-vous purs et irréprochables pour le jour du Christ, comblés du fruit de la justice qui s’obtient par Jésus Christ, pour la gloire et la louange de Dieu » (Ph 1, 8-11).
Paul veut nous voir croître dans la charité, croître dans cet amour qui vient du cœur même de Dieu. Et c’est la croissance dans l’amour qui va nous donner la force du discernement, la pleine connaissance et la clairvoyance. La force du discernement, dans la pleine connaissance et a clairvoyance ne peuvent être produit que par un accroissement de la charité.
Ce n’est pas d’abord à partir d’éléments intellectuels que s’opère le discernement, ils auront à intervenir bien sûr mais dans un second temps. Ce qui est premier c’est tout d’abord cette croissance dans l’amour, cette croissance dans la charité à demander pour que la science et le tact affiné puissent nous donner de discerner, et alors nous porterons le fruit de justice pour la gloire et la louange de Dieu.
Paul nous rend plein d’espérance parce qu’il en a lui-même l’assurance : « J’en suis persuadé, celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus ». (Ph 1,6).
Cela nous invite à la patience, aussi bien envers nous-mêmes, qu’envers tous nos frères et sœurs en humanité. Il nous faut avoir au cœur, cette espérance que l’œuvre que Dieu a commencé en nous et dans les autres, il va le conduire à son achèvement, non pas selon nos catégories de temps à nous car nous voudrions bien que cela soit dans les quinze jours ou dans les deux ans qui viennent mais pour le jour du Christ Jésus. Il ne nous appartient pas de savoir quand cela s’accomplira pleinement mais déjà d’avoir en nous cette certitude, cette espérance que Dieu accomplira, achèvera l’œuvre qu’il a commencée en nous et pour nous. Et d’avoir cette espérance pour les autres, pour l’Église, pour le monde.
Il nous faut collaborer à cette œuvre de Dieu en nous. Sachons prendre le temps de l’action de grâce, après la communion eucharistique bien sûr, mais pas seulement… Il nous faut, si j’ose l’expression, nous « installer » dans l’action de grâce :
- Action de grâce pour l’œuvre de Dieu en moi,
- Action de grâce pour l’œuvre de Dieu dans les autres, dans tous les autres,
- Action de grâce pour l’œuvre de Dieu dans l’Église et dans le monde.
Nous pouvons alors réentendre la final de la prédiction de Jean-Baptiste : « Et tout être vivant verra le salut du Dieu » (Lc 3,6). Fort de cette espérance, soyons dans l’action de Grâce. Nous savons, comme le chante le psaume de ce jour que : « Que [celui qui] sème dans les larmes moissonne dans la joie » (Ps 125,5).
Amen.
Fr. Didier-Marie Golay, ocd - (www.carmes-paris.org)