Textes liturgiques (année C) : Jr 33, 14-16 ; Ps 24 (25), 1 Th 3, 12 – 4, 2 ; Lc 21, 25-28.34-36
Avec ce 1er dimanche de l’Avent commence le temps de l’espérance, de l’attente et de la préparation de la venue du Seigneur. Il s’agit pour chacun de nous de prendre conscience du don de Dieu en la personne de Jésus et de nous préparer à le recevoir à nouveau à la fin des temps. En effet, si le temps de l’Avent aboutit avec la célébration de la naissance de Jésus, commémoration de l’incarnation du Verbe, la première partie de l’Avent nous rappelle la venue du Seigneur au terme de l’histoire, sa venue en gloire pour établir son Royaume de justice et de paix, d’amour et de fraternité. Depuis plus de 2000 ans, depuis la résurrection de Jésus, ses disciples, dont nous sommes, attendent son retour en gloire afin qu’il réalise les promesses de Dieu et que soit achevée l’œuvre de création. La fin du monde sera avant tout la restauration de la création dans toute sa beauté originelle, enfin libérée du péché avec ses conséquences négatives, à savoir la mort, la jalousie, les conflits, les violences, les meurtres, les injustices, etc.
Cette dernière venue du Seigneur à la fin des temps était déjà une promesse faite par Dieu au peuple d’Israël, comme nous le rappelle la 1re lecture : « Voici venir des jours, oracle du Seigneur, où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël ». Mais, comme pour le peuple d’Israël, l’attente est longue, plus longue que ne l’avaient imaginé les premiers disciples de Jésus qui pensaient son retour imminent. Il s’agit donc pour nous, comme le souligne l’Évangile, non seulement de ne pas désespérer, mais aussi de ne pas s’assoupir et de se tenir en éveil de façon à ne pas manquer le rendez-vous : « restez éveillés et priez en tout temps : ainsi, vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme ».
Pour préparer la venue du Seigneur et être disponible à accueillir son Royaume, les lectures nous proposent trois moyens, à savoir, dans l’Évangile, se tenir éveillé dans la prière ; dans la deuxième lecture, vivre dans une charité effective envers les hommes ; et dans la première lecture, établir la justice entre nous. C’est sur ce dernier point que j’aimerais m’arrêter un peu aujourd’hui.
Le prophète Jérémie nous rappelle que le Royaume de Dieu est avant tout un royaume de justice, et le Messie qu’il enverra pour établir ce royaume œuvrera avant tout pour faire régner le droit et la justice : « En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice ». Entendons bien ce que nous dit Jérémie : pour accomplir la parole de bonheur promise à son peuple, le Seigneur veut d’abord faire respecter le droit et la justice. En effet, le bonheur de vivre en société humaine se base d’abord sur des relations justes entre nous.
Avant de nous parler d’amour, qui est le thème de la deuxième lecture, ou de la vigilance dans la prière, ce à quoi nous invite à Jésus dans l’Évangile, la préparation et l’attente du Royaume de Dieu se réalise par l’établissement du droit et de la justice dans les relations humaines, ce qui comprend l’honnêteté et la moralité. Il est évident que notre foi chrétienne place au cœur de la révélation l’amour et la miséricorde, tant dans nos relations avec Dieu notre Père qu’entre nous, mais cela n’écarte pas l’importance de respecter la justice et le droit dans nos relations humaines comme une étape nécessaire.
Toute construction suppose des fondements solides, et avant de construire les murs, puis la charpente et le toit, et terminer par la décoration, il faut tout d’abord poser et établir de bonnes et solides fondations. Il en est de même pour le Royaume de Dieu, et plus généralement pour notre vie spirituelle. La base de la promesse de bonheur, c’est le droit et la justice. La justice, c’est accorder à chacun ce qui lui revient légitimement, et c’est la première expression sociale du respect mutuel, donc d’un véritable amour. La première étape d’une relation de charité et de miséricorde, c’est d’avoir une relation juste entre nous. Car c’est déjà reconnaître à chaque personne une égalité de dignité en accordant à chacun la juste place qui lui revient dans la communauté humaine, en respectant ses droits légitimes. Sans commencer par établir entre les hommes des rapports justes, il ne peut y avoir un véritable amour. Et pour réaliser la vertu de justice (donner à chacun ce qui lui est légitimement dû), il est nécessaire de pratiquer les trois autres vertus cardinales de prudence (discernement), de tempérance (maitrise de soi) et surtout de force qui nous donne le courage d’accomplir des choses difficiles et de résister aux demandes injustes.
En construisant une société qui respecte la justice et les droits fondamentaux de l’être humain, nous adressons à Dieu comme une prière en acte. Car nous exprimons notre compréhension du dessein créateur de Dieu. En effet, en construisant une société juste, et donc ainsi véritablement fraternelle, nous disons à Dieu que nous avons compris qu’il souhaite rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. Le dessin créateur de Dieu sur l’humanité, c’est une fraternité réellement universelle. En bâtissant une communauté humaine juste, nous disons à Dieu que nous avons compris son dessein créateur et que nous voulons y collaborer, et donc préparer l’achèvement du Royaume de Dieu qui se réalisera lors du retour glorieux de Jésus. Comme cela, nous lui adressons une autre prière : viens, Seigneur Jésus, viens achever l’ouvrage de nos mains !
Ainsi, nous comprenons mieux le sens de la prière d’ouverture de notre célébration : « Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant, la volonté d’aller par les chemins de la justice à la rencontre de celui qui vient, le Christ, afin qu’ils soient admis à sa droite et méritent d’entrer en possession du royaume des Cieux ». Amen !
Fr. Antoine-Marie Leduc, ocd - (https://www.carmes-paris.org)