Textes liturgiques (année C) : Mi 5, 1-4a ; Ps 79 (80) ; He 10, 5-10 ; Lc 1, 39-45
Deux femmes ouvrent l’Évangile selon St Luc : la jeune Marie, fiancée à Joseph, l’artisan charpentier de Nazareth et Élisabeth, celle qu’on nommait la stérile, ce qui faisait sa souffrance et sa honte, car ne pas pouvoir enfanter était vue alors comme une punition divine. Avec ces deux femmes, Marie et Élisabeth, s’ouvre une ère nouvelle. Dieu visite son peuple comme jamais encore. Aussi comprenons-nous l’empressement de Marie. A peine l’ange Gabriel l’a-t-il quittée qu’elle part avec empressement vers la région montagneuse, pour aller visiter et offrir son aide à Élisabeth, enceinte de Jean-Baptiste. Dieu a frappé à la porte de ces deux femmes et elles se sont rendues disponibles l’une comme l’autre.
Alors qu’au commencement de la première Alliance, Adam et Eve se sont cachés lorsqu’ils entendirent les pas de Dieu dans le jardin : ils avaient trahis la confiance que Dieu leur avait accordée. « Où es-tu ? » avait demandé Dieu. " J’ai eu peur je me suis caché" ont répondu nos premiers parents (Gn 3,8-10). Marie et Élisabeth sont surprises l’une comme l’autre que Dieu puisse les visiter. Aucune présence d’hommes lors de cette scène de la Visitation. Dieu s’est adressé à Marie alors qu’elle commençait à préparer son mariage avec Joseph. Elle était dans la joie de fonder un foyer, et même une famille. On peut imaginer son bonheur. Les fiançailles avaient été célébrées et tout s’annonçait pour le mieux. Mais Dieu est intervenu. Faut-il parler de surprise, d’étonnement, de bouleversement ? Oui, bien sûr et tout à la fois. Et chemin faisant pour se rendre chez sa cousine âgée, Marie répète les paroles de l’Ange Gabriel : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. (…) Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils, tu lui donneras le nom de Jésus ».
Mais alors comment va se réaliser cette promesse ? Joseph que va-t-il penser ? La surprise de Marie sera plus grande encore lorsqu’Élisabeth, la salue et remplie d’Esprit Saint s’écrie d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni. ». Élisabeth reconnait en Marie la femme qui porte le Sauveur, celui qui va ouvrir les vannes de l’amour et de la miséricorde de Dieu pour tous, et surtout pour tous ceux qui ont peiné, qui ont souffert, que la maladie accompagne, ceux qui ne savent plus aimer, ceux que l’on a mis dehors de la synagogue pour inconduite… ces « ratés » de l’existence aux yeux de leurs contemporains, mais non pas aux yeux de Dieu. Élisabeth salue Marie parce qu’elle sait que l’Enfant que Marie porte en son sein est Dieu. Elle se réjouit de savoir que son Dieu s’est invité par la petite porte à la vie de l’humanité. Beauté de cette scène où Élisabeth, enceinte de Jean le Baptiste et Marie enceinte de Jésus se saluent et chantent Dieu. Ainsi s’ouvre l’Évangile, Bonne Nouvelle pour tous, et il nous présente aujourd’hui les visages de ces deux femmes.
Aussi j’aimerais saluer d’une manière toute particulière ce dimanche les femmes présentes dans notre assemblée. Je ne suis pas l’Ange Gabriel mais l’occasion est trop belle pour me taire. Trop souvent, vous les femmes, notre Église vous a ignorées ou vous a mises de côté, et pourtant cette page d’Évangile nous montre que Dieu a choisi des femmes pour développer sa proximité a l’humanité : l’une, Élisabeth, sera la mère du Précurseur, et l’autre, Marie, la mère du sauveur, Jésus.
Car nous devons le reconnaître aujourd’hui, la Parole de Dieu donne à ces deux femmes une place centrale. Et si je fais un bond dans l’Évangile de saint Jean, c’est bien aussi à une femme – Marie Madeleine – que Jésus, à peine ressuscité, charge d’annoncer sa résurrection aux apôtres. « Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Marie Madeleine s‘en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! » et elle raconta ce qu’il lui avait dit. » (Jn 20, 17-18).
La société n’a pas épargné les femmes de clichés, de sarcasmes. La publicité a fait de vous trop souvent des femmes-objets. On est loin du projet de Dieu. Lors de la création Dieu créa l’homme et la femme, avec la même dignité. Pourquoi fausserions-nous la volonté de Dieu ? Lors de son dernier pèlerinage à Lourdes le pape Jean-Paul II fatigué et malade parlait de vous : il appelait alors les femmes à devenir « comme des sentinelles de l’Invisible » (Lourdes, 15/08/04).
Femmes, épouses, mères soyez en ce jour bénies. On ne le fait pas assez dans l’Église. Votre place est irremplaçable et nous portons tous le souvenir d’une maman, d’une grand-mère, d’une marraine, d’une institutrice, d’une catéchiste, d’une amie… présence féminine à toutes les étapes de la vie. Femmes, soyez remerciées. Que le Seigneur vous comble toutes de sa bénédiction. Dernièrement j’ai été interpellé et choqué, comme peut-être vous aussi, quand des journalistes indélicats surprennent un évêque aux côté d’une femme de ses amis et déclenchant des propos pervers. J’ai aimé la réaction de cette femme blessée et interrogée dans le journal « la Croix ». Elle affirme : « Si j’avais été un homme, la question ne se serait pas posée. Les femmes dans l’Église doivent-elles être réduites à des objets de soupçon, de fantasme, à l’expression de jalousies ou à la servilité. Est-ce que tout cela veut dire que, dans l’Église et aux yeux du monde, une relation entre un homme et une femme, vécue dans l’’amitié est inenvisageable ? » (La Croix 13/12/21). Bienheureuse réaction, mais quelle souffrance ! Allons-nous sombrer de plus en plus dans ce climat de délation, de soupçon permanent. C’est fausser la volonté de Dieu.
Femmes et hommes, prenons dès aujourd’hui le chemin qui nous conduira tous à la crèche de Bethléem. « Allons avec empressement » et suivons les pas de Marie et de Joseph, d’Élisabeth et de Zacharie, mais aussi de ces femmes et de ces hommes, de ces jeunes et de ces enfants connus ou pas, rencontrés lors de nos déplacements, nos lieux de vie. Apprenons à nous respecter les uns et les autres, car Dieu vient visiter son peuple en son Fils Jésus. Découvrons la dignité de chaque être humain. Dieu n’a–t-il pas déposé en chacun une parcelle de ce qu’Il est ? A nous de la découvrir, c’est déjà fêter Noël.