Toute âme qui s’élève, élève le monde avec elle (Ho.7e dim. Pâques 12/05/2024)

donnée au couvent de Paris

Textes liturgiques (année B) : Ac 1, 15-17.20a.20c-26 ; Ps 102 (103) ; 1 Jn 4, 11-16 ; Jn 17, 11b-19

Saint Jean, dans la 2e lecture, nous rappelle que « Dieu nous a tellement aimés, [que] nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres », et d’ajouter ; « si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous », de manière effective. Ainsi, si nous voulons savoir si nous aimons Dieu, il nous faut nous demander dans quelle mesure nous aimons notre prochain…

Mais nous pourrions être pris de découragement, car des événements peuvent refroidir notre charité envers autrui, et nous mettre dans l’abattement. Et c’est une tentation présente dès les tout-débuts de l’Église, à travers la fin tragique de Judas. Dans le livre des Actes, Pierre se lève au milieu de l’assemblée des fidèles, et prend la parole ; il encourage les croyants à continuer à aller de l’avant, en ne s’arrêtant pas à la stupeur ayant été provoquée par la trahison de celui que Jésus nomme « fils de la perdition ». Ainsi Matthias reçoit-il pour mission de prendre la place délaissée par Judas. Nous pourrions, quant à nous, être également tentés par le découragement, pour d’autres raison, en se disant notamment : quelle est ma mission, à moi qui suis sur le tard de ma vie, étant désormais âgé de 70, 80, 90 ans ou plus ? Ou bien ; quelle est ma mission, à moi qui ai au contraire toute la vie devant moi ? Ou encore ; je suis malade et affaibli, quelle pourrait donc être ma propre contribution envers autrui ?

La petite Thérèse – comme saint Pierre s’adressant à ces 120 personnes dans la 1re lecture – nous encourage elle aussi à être jusqu’au bout des disciples envoyés par le Christ. À 24 ans seulement, elle est atteinte d’une tuberculose qui la ronge et qui va l’emporter. Elle est sur le tard de sa courte vie. Elle écrit le Manuscrit B dans lequel, 4 mois avant sa mort, elle s’approprie pour elle et ses sœurs les paroles de Jésus entendues dans l’évangile de ce jour, le fameux chapitre 17 :

« Enfin, pour moi aussi viendra le dernier soir, alors je voudrais pouvoir vous dire, ô mon Dieu : ‘‘Je vous ai glorifié sur la terre, j’ai accompli l’œuvre que vous m’avez donnée à faire ; j’ai fait connaître votre nom à ceux que vous m’avez donnés » (Manuscrit C). Thérèse, quelques pages plus loin, indique que ceux qui lui ont été confiés sont les sœurs novices dont elle avait la charge. Bien qu’alitée, ne pouvant plus parler qu’avec peine, elle se soucie encore de la formation spirituelle et de la maturité humaine de ses novices ! Comme Thérèse, nous pouvons nous aussi nous approprier la prière de Jésus en ce chapitre 17 du quatrième évangile, et dire ; ‘‘J’ai fait connaître ton nom à mes enfants, à mon conjoint, leur révélant – par mon amour pour eux – que Dieu est notre Père, et que nous sommes frères’’. Oui, Dieu est Père de tous, et il souhaite nous garder unis en son nom, nous rappelle Jésus, repris par la petite Thérèse. Un jour, une dame, grand-mère, me disait que sa mission était de sauvegarder les liens au sein de sa famille, qui risquait d’être déchirée suite à un héritage successoral qui se passait mal. On pourrait croire que c’est peu de chose, mais au contraire c’est déjà beaucoup, car c’est déjà faire la volonté de Dieu : faire preuve d’un esprit d’union, plutôt que de répandre un esprit de division ! Les désunions (familiales et autres) sont bien sûr très courantes, et l’exemple malheureux de Judas le montre. Bien des personnes de notre entourage peuvent être habitées par un esprit de division. Peut-être même que nous aussi sommes bien plus habités que nous le pensons par un esprit de repli sur nous-même ! Un repli sur soi, de fait, opère une vraie séparation, une division ! … Il nous revient donc de veiller à ce que notre état d’esprit soit un état d’esprit d’enfants unis, d’enfants réunis, en communion, grâce au Père qui aime chacun d’entre nous, nous réunissant, alors que bien souvent nous sommes dispersés, affirme l’apôtre saint Jean au chapitre 11 (verset 52), « Père saint, continue la petite Thérèse, conservez à cause de votre nom ceux que vous m’avez donné. Je vais maintenant à vous, et c’est afin que la joie qui vient de vous soit parfaite en eux, que je dis ceci pendant que je suis dans le monde ». La joie véritable vient de Dieu ! Il y a une joie superficielle, une joie de surface, inconstante, qui n’est pas la vraie joie venue du Ciel. La joie dont parle Jésus est celle qui habite le cœur profond des élus. Jésus a parlé de cette joie réelle hier et avant-hier (dans les évangiles du jour). « Qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés », dit Jésus aujourd’hui. « Votre joie sera parfaite » [Jn 16,24], nous disait Jésus hier. «  Votre peine se changera en joie  » [Jn 16,20], promettait Notre-Seigneur avant-hier… La joie qui vient de Dieu est une joie éternelle, qui invite à aimer et à être en communion avec le prochain.

Et, pour revenir et terminer avec la petite Thérèse, celle-ci finit même par parler de nous (en ce dimanche 12 mai 2024 …), en s’appropriant là encore les paroles de Jésus ; « Ce n’est pas seulement pour eux [mes sœurs novices] que je prie, mais c’est encore pour ceux qui croiront en vous ».

Alors, nous aussi nous pouvons faire nôtre la prière de Jésus en ce chapitre 17, et prier le Père en disant « Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité ». Reconnaissons humblement que l’accueil de la vérité ne dépend pas de nous, que nous ne pouvons pas forcer un proche à croire en cette vérité qu’est Jésus et qui sanctifie toute personne croyant en lui. Cela peut être douloureux ; vivre avec un conjoint non croyant, avoir des enfants ou petits-enfants éloignés de l’Église…

Mais ce que nous pouvons toujours faire, c’est nous approprier cette parole émouvante du Christ et la faire nôtre ; « pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité », que je sois consacré (pour la sanctification de toute l’Église), que je sois sur le tard de ma vie (pour les membres de ma famille), que je sois malade ou isolé (pour toutes les personnes en nécessité). Toute âme qui s’élève, élève le monde avec elle …

Fr. Cyril Robert - (Couvent de Paris)

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