Textes liturgiques (année B) : 1 R 19, 4-8 ; Ps 33 (34) ; Ep 4, 30 – 5, 2 ; Jn 6, 41-51
Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. La grande déprime du prophète Elie ! Il y avait de quoi déprimer, être découragé. Elie a gagné la bataille contre les 450 prophètes de Baal sur le mont Carmel, mais il n’a pas gagné la guerre contre Jézabel qui le poursuit de sa vindicte. Elie est peut-être déprimé, mais il n’a pas perdu la foi, du fond de sa détresse, il prie le Seigneur de le rappeler à Lui. C’est une prière presque désespérée, paradoxale. Parfois, cette sorte de prière est entendue, elle est suivie de quelque chose qui change la situation. Elie s’endort d’épuisement puis un ange le réveille, lui donnant l’ordre de se lever et de manger. C’est donc la vie qui revient, voulue par Dieu, une convalescence qui va durer quarante jours et quarante nuits avant la pleine guérison, à l’Horeb, la montagne de Dieu, où il entre dialogue avec son Dieu, dans un murmure d’une brise légère.
La légèreté, c’est l’opposé de la déprime, de cette lourdeur qui ralentit, voire empêche, la marche. La deuxième lecture, de la lettre aux Ephésiens, est, elle-aussi, un remède à la dépression, au découragement, quand elle nous invite, nous les croyants, à vivre dans l’amour !
« Frères, n’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu. » Paul exhorte à sortir du mauvais esprit, amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes. Mais comment en sortir ? C’est d’abord à un combat intérieur qu’il faut se livrer, un combat dont la victoire est garantie à ceux qui comprennent et opèrent une sortie de soi, comme un don de soi. Le don de soi, Jésus est celui qui l’a pratiqué parfaitement sur la Croix et il continue de le faire à chaque Eucharistie. Mais ce don n’est pas reconnu par tous, Il est ainsi durement critiqué par ceux qui disent connaître son père et sa mère et qui en tirent la conséquence : Alors comment peut-il dire maintenant : « Je suis descendu du ciel » ? Jésus répond à cela qu’il faut cesser de récriminer et il ajoute : "Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire…" Attirance bien mystérieuse, qu’on ne peut comprendre qu’en l’expérimentant personnellement, une expérience intime qui suppose d’abord de faire taire en soi tous les bruits qui parasitent l’écoute de la parole de Dieu. Il faut une bonne dose de silence pour entrer dans cette écoute. Le prophète Elie, rappelons-le, a marché quarante jours, quarante nuits, avant de faire cette expérience !
Et Jésus de poursuivre : « Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. » Venir à Jésus veut dire croire en Lui et celui qui fait cette expérience, a la vie éternelle. La vie éternelle est offerte aux croyants, à ceux qui ont foi en Jésus Christ ! Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père.
Jésus est l’envoyé du Père ; Père qu’il est seul à avoir vu ! Privilège du Fils ! Ainsi l’écoute du Père conduit au Fils, qui lui-même renvoie au Père. En écoutant ces paroles, nous devenons comme témoins de la Trinité ! Le Père est l’auteur de la vie, et c’est Lui qui donne toute nourriture aux vivants. "Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement." Comment comprendre cela ? Jésus veut dire qu’en communiant à son corps et à son sang, dans l’Eucharistie, nous nous nourrissons de sa vie ! De sa vie divine, de sa vie éternelle, au-delà de son humanité, car Jésus ne nous invite pas au cannibalisme ! Cet évangile nous enseigne donc que Jésus se donne en nourriture à ceux qui croient en lui et ainsi reçoivent la vie éternelle, c’est-à-dire la vie divine. Ils reçoivent la vie de l’Envoyé du Père, puisque le Père et le Fils ne font qu’un, ils reçoivent par conséquent la vie du Père lui-même.
Que dire de cette vie éternelle déjà donnée ? Une vie invisible, impalpable, mystérieuse, mais certaine pourtant. Certitude non scientifique, non démontrable, non rationnelle, certitude non orgueilleuse, ni fanatique. Certitude pourtant, au-delà de la traversée nécessaire du doute. Certitude étrange, paradoxale, certitude intérieure, qui est comme soufflée à notre oreille et qui pénètre dans notre cœur. Œuvre de l’Esprit qui souffle où il veut, Esprit de liberté et de vérité. C’est lui qui nous attire vers Jésus et vers le Père. C’est lui qui éclaire notre foi et la fortifie, et nous donne de croire dans la vérité de la parole de Jésus : « Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. » Amen
Fr. Robert Arcas - (Couvent d’Avon)