Suivre Jésus dans l’humilité (Ho. 25e dim TO 22/09/2024)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Sg 2, 12.17-20 ; Ps 53, 6b ; Jc 3, 16 – 4, 3 ; Mc 9, 30-37

Jésus, en marche vers Jérusalem, annonce pour la deuxième fois à ses disciples sa Passion et sa Résurrection. Pierre, Jacques et Jean ont entendu il y a peu sur la montagne la voix du Père leur ordonner d’écouter son Fils bien-aimé, mais les disciples se bouchent les oreilles. Tandis que la marche se poursuit, Jésus est tenu à l’écart. Ils parlent entre eux de prééminence dans le Royaume à venir. Arrivés à la maison, Jésus les interroge alors sur l’objet de leur conciliabule. Gênés, ils se taisent, mais Jésus patiemment les instruit à nouveau : si lui-même prend le chemin de la Croix, ils sont appelés quant à eux à le suivre sur un chemin d’humilité et de service. Plaçant alors un enfant au milieu d’eux, il l’embrasse et le désigne comme étant le signe de sa présence parmi eux et de celle de son Père.

Frères et sœurs, cette introduction de l’enfant dans le contexte de l’annonce de la Passion, apporte un éclairage essentiel à notre compréhension de celle-ci : Jésus n’affrontera pas la mort en super héros, mais avec un cœur d’enfant capable jusqu’au bout d’une absolue confiance envers son Père. Il se laissera porter par l’Esprit, comme il l’a fait depuis l’Incarnation du Verbe dans le sein de Marie. La naissance du Fils de Dieu dans la chair fut en effet l’œuvre de l’Esprit Saint. Pour qu’elle se réalise, il a fallu que le Verbe de Dieu s’abandonne totalement à l’action de l’Esprit. Le Verbe s’est dépossédé de lui-même pour laisser l’Esprit Saint le déposer comme une semence dans le sein de Marie. Dès lors, Jésus, conçu dans l’Esprit Saint, a assumé sa mission en se laissant conduire par l’Esprit jusqu’à ce qu’il remette ce même Esprit au Père sur la Croix. La Pietà est la plus belle icône de cette totale remise de soi du Verbe en notre chair. Le corps de Jésus reposant sur les genoux de Marie manifeste l’anéantissement du Verbe de Dieu jusque dans la mort ; mais il manifeste aussi que le Verbe a accompli cela en se laissant porter par l’Esprit comme ce corps devenu totalement impuissant est à présent porté par Marie. Le Verbe fait chair s’est abandonné lui-même à l’Esprit dans la mort comme un enfant s’abandonne à l’amour dont il se sait aimé.

Nous avons été, frères et sœurs, baptisés dans cette mort d’amour du Christ et ainsi immergés avec lui dans l’Esprit. Mais cet appel à vivre dans l’Esprit nous engage dans le combat spirituel, car il nous faut pour cela mourir à notre ego centré sur lui-même. Les maîtres mots de ce combat sont lâcher-prise et détachement afin de nous laisser guider par l’Esprit. Cela consiste à renoncer à notre orgueilleuse autonomie pour nous mettre à hauteur d’enfant et pouvoir suivre ainsi Jésus dans la remise qu’il fit de lui-même à l’Esprit. Prier, c’est s’abandonner à l’Esprit qui sonde notre cœur jusqu’en ses profondeurs blessées pour nous laisser guider par lui sur le chemin de la confiance. La patience, la persévérance et la force dans les épreuves nous sont alors données si nous les recevons avec un cœur d’enfant assuré de l’amour de son père. Il nous faut pour cela renoncer à mettre notre confiance en nous-mêmes, en notre courage ou notre générosité, pour la mettre en la puissance de l’Esprit.

Pour mener ce combat, nous venons communier, frères et sœurs, à l’offrande que le Christ a fait de lui-même au Père sur la Croix. L’Incarnation du Verbe se poursuit en effet sous les humbles espèces du pain et du vin ; c’est là encore l’œuvre de l’Esprit Saint, mais aussi le fruit de cet abandon du Verbe à l’action de l’Esprit. L’Esprit Saint réalise en effet la présence du Verbe fait chair dans le pain et le vin moyennant cette même dépossession de soi consentie par le Verbe lors de son Incarnation. En communiant au Corps du Christ, nous communions à ce dessaisissement de soi du Verbe qui est vie dans l’Esprit. Nous pouvons consentir à notre tour à ce dessaisissement de soi dans la certitude d’être aimés que l’Esprit vient répandre en nos cœurs. Cette certitude est le mystère de chacun, mystère incommunicable sinon dans le service du plus petit à qui Jésus s’identifie. Suivre Jésus dans l’humilité et le service, c’est avoir pour seule ambition d’être porté par Dieu à aimer Dieu en notre prochain. La joie véritable est de n’être en rien sans Dieu et sans les autres. Libre à l’égard de nous-mêmes, nous pouvons alors choisir de nous abandonner à l’Esprit Saint comme un enfant s’abandonne dans les bras de sa mère. Ainsi nous laissons-nous engendrer par l’Esprit pour recevoir jour après jour notre vie dans le Fils unique et bien-aimé du Père.

Fr. Olivier-Marie Rousseau, ocd - Couvent d’Avon

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