Sainte Thérèse d’Avila - 15/10/24 (Solennité de sainte Thérèse de Jésus)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques : Sg 7,7-14 ; Rm 8,14-17.26-27 ; Jn 7,14-18.37-39

Depuis quelque temps, je relis avec grand plaisir les œuvres de notre mère sainte Thérèse de Jésus, en particulier le Chemin de perfection et le Livre des demeures. Et je voudrais vous partager deux fruits de cette lecture qui nourrissent mon action de grâces pour le trésor spirituel que l’Ordre du Carmel a reçu de notre mère sainte Thérèse de Jésus.

Tout d’abord, je comprends mieux pourquoi notre mère sainte Thérèse chante les miséricordes du Seigneur, qu’elle le remercie pour son œuvre d’amour. En effet, si à la base de l’aventure spirituelle décrite dans les œuvres de sainte Thérèse de Jésus, il y a la découverte et l’accueil de la présence de Dieu au plus intime de notre cœur. Ce qui émerveille sainte Thérèse de Jésus, et lui fait chanter les miséricordes du Seigneur, ce n’est pas seulement que le Seigneur demeure au plus intime de notre cœur, mais qu’il veuille en plus se communiquer à notre âme, se donner à nous et transformer notre vie. La présence de Dieu au plus intime de notre cœur n’est pas statique, elle est dynamique, et dans un dynamisme d’amour, c’est-à-dire de don de soi et de communication. Sainte Thérèse de Jésus chante les miséricordes du Seigneur qui nous crée, qui nous sauve, il s’abaisse en nous pour nous relever.

Les grandes grâces mystiques que connaît notre mère sainte Thérèse sont des manifestations de cet amour miséricordieux qui se donne à celui qui l’accueille pleinement, ces grâces manifestent l’amour du Seigneur. Et sainte Thérèse de Jésus nous exhorte à accueillir et à collaborer pleinement avec cette œuvre de miséricorde en nous. Il ne suffit pas de reconnaître l’existence de Dieu ni une simple présence de Dieu au plus intime de notre cœur, mais de reconnaître son dessein d’amour sur l’humanité en général et sur chacun de nous en particulier. Il s’agit aussi de reconnaître le désir de Dieu de communion avec sa créature, et d’une communion qui transforme et restaure notre humanité dans toute sa dignité.

Mais vouloir accueillir et collaborer à cette œuvre de grâces en nous, ce n’est pas vouloir connaître les manifestations mystiques qu’a connues notre mère sainte Thérèse. Ces manifestations mystiques manifestent de manière visible, la réalité tout intérieure de l’union profonde avec le Seigneur, réalité invisible. Or ce ne sont pas les manifestations visibles qui sont importants, mais la réalité spirituelle, l’union profonde avec le Seigneur. Or, comme tous les grands mystiques, sainte Thérèse insiste bien sur le fait que l’important est l’union des volontés, c’est-à-dire notre accueil et notre collaboration à la volonté de Dieu.

Écoutons-la un instant : « Malgré tout ce que j’ai dit, il reste encore, ce me semble, quelque obscurité sur cette cinquième demeure. C’est pourquoi, comme les trésors qu’elle renferme sont d’un si grand prix, il sera utile de faire voir que ceux à qui Dieu n’accorde point ces grâces surnaturelles peuvent cependant espérer d’y entrer. Et, en effet, il n’est point de chrétien qui, avec l’aide de la grâce, ne puisse arriver à la véritable union, pourvu qu’il s’efforce de tout son pouvoir de renoncer à sa volonté propre, pour s’attacher uniquement à la volonté de Dieu. […] C’est là l’union que j’ai désirée toute ma vie, et que j’ai toujours demandée à Notre Seigneur. C’est aussi celle qui est la plus facile à connaître, et la plus assurée. » (5D chap.3)

Les phénomènes mystiques ne sont pas essentiels et encore moins une condition de l’union à Dieu. Mais Thérèse, pour reconnaître l’authenticité du chemin spirituel, la justesse et la profondeur de notre vie de prière, insistera toujours sur le fait qu’une prière authentique, c’est-à-dire une rencontre réelle avec l’amour trinitaire, produit toujours comme fruit un réel désir d’accueillir et d’accomplir la volonté de Dieu. Et cela non pas de manière velléitaire, c’est-à-dire superficielle, mais dans un engagement de vie concret. Le véritable fruit de la prière est la volonté d’aimer Dieu et son prochain. « Or, mes filles, quelle est la volonté de notre divin Maître ? C’est que nous devenions si parfaites que nous ne soyons qu’une même chose avec lui et avec son Père, comme il le lui a demandé pour nous. […] Dieu ne demande de nous que 2 choses dans ces rencontres : l’une, de l’aimer, et l’autre, d’aimer notre prochain. C’est donc à cela que nous devons travailler ; en les accomplissant fidèlement, nous ferons sa volonté, et nous serons unies à lui.  » (5D chap.3)

En effet, elle rappellera régulièrement, lorsqu’elle nous parle du cheminement spirituel et des grâces spirituelles que nous pouvons recevoir dans la prière, que l’authenticité de ce chemin spirituel et de ces grâces se vérifie essentiellement par notre volonté et notre engagement à accomplir la volonté de Dieu. Car, dit-elle, si le démon peut nous tromper sur de nombreux points, et notamment nous faire tomber dans l’illusion des beaux sentiments et des rêveries pieuses, il ne peut pas produire en l’âme le profond désir de se soumettre à la volonté divine et encore moins de l’accomplir.

C’est pourquoi, arrivée à décrire les 7es demeures, sainte Thérèse écrit : « Ô mes sœurs, qui pourra dire à quel point une âme où Notre Seigneur habite d’une manière si particulière, met en oubli son propre repos ! Que les honneurs la touchent peu ! et qu’elle est loin de désirer d’être estimée en la moindre chose ! Tenant sans cesse compagnie à son Époux, ainsi qu’il est juste, comment pourrait-elle se souvenir d’elle-même ? Sa seule pensée est de lui plaire, et de chercher les moyens de lui témoigner son amour. C’est là, mes filles, que tend l’oraison ; et, dans le dessein de Dieu, ce mariage spirituel n’est destiné qu’à produire incessamment des œuvres pour sa gloire. Les œuvres, voilà, comme je vous l’ai déjà dit, la meilleure preuve de la vérité d’une si haute faveur. De quoi nous servirait mes filles, d’avoir été profondément recueillies dans la solitude, d’avoir multiplié nos actes d’amour, et promis à Notre Seigneur de faire des merveilles pour son service, si, au sortir de là, la moindre occasion nous porte à faire tout le contraire ?  » (7D chap.4)

Pour résumer en deux mots cette homélie : la vie de Dieu en nous est dynamique, nous devons l’être tout autant !

Fr. Antoine-Marie Leduc, ocd - Provincial

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