Textes : 1R 18,42-45 ; Ps 112 ; Ga 4,4-7 ; Jn 19,25-27
Du haut de la Croix, Jésus nous donne Marie pour Mère … Et notons que recevoir Marie comme Mère – dans notre vie chrétienne – n’est pas un option facultative. C’est un commandement, la dernière volonté d’un homme-Dieu mourant ; « Voici ta mère », dit le Christ à son disciple. Ce n’est pas une demande, mais bien un commandement … Mais, puisque nous sommes appelés à recevoir Marie chez soi en tant que Mère, comme le fit l’apôtre saint Jean, qui recevons-nous vraiment, quand nous recevons Marie, sous le vocable de Patronne du Carmel ? Comme dirait l’un de nos frères carmes ; en 3 mots, écrits sur un ticket de métro, quelles sont les caractéristiques de Notre-Dame du Mont Carmel ? … La 1re lecture nous met sur la bonne piste. Ces 3 mots, ces 3 caractéristiques que la Mère partage avec ses enfants du Carmel, y figurent :
1) Prière Au Mont Carmel, le prophète Élie se met en prière, à part, en se tenant prosterné avec « le visage entre les genoux ». Autour de lui, la situation est agitée – la foule et le roi attendent désespérément la fin de la sécheresse et de la famine –. Mais Élie, lui, prend le temps de se mettre à part. Il se met à prier. « Élie – nous dit le texte – monta sur le sommet du Carmel, il se courba vers la terre et mit son visage entre ses genoux ». Il plonge calmement son visage entre ses genoux, et prend le temps d’une prière intime, personnelle, se tenant devant Dieu pour tous. En se tenant le visage entre les genoux, il ferme les yeux sur ce qui se passe autour de lui, pour ouvrir les yeux de la foi. Voilà ce à quoi nous invite Notre-Dame :
- Comme au Mont Carmel, la prière ne doit pas s’éclipser derrière les vies souvent agitées qui sont les nôtres. Sans quoi, elles ne seront que plus agitées encore !
- Comme le prophète Élie priant sur le Mont Carmel, Notre-Dame du Mont Carmel nous invite à la prière quotidienne. En effet, le prophète a dû prier 7 fois de suite pour que la pluie revienne, pour que la pluie mette fin à la sécheresse, à la famine, et que la vie revienne en Israël. Il a prié 7 fois comme il y a 7 jours dans la semaine. Prier chaque jour est une invitation que Jésus lui-même adresse à ses disciples, quand il leur demande par exemple de prier régulièrement, sans se lasser, comme dans la parabole du juge inique et de la veuve importune (Lc 18) … Notre-Dame du Mont Carmel est donc une Vierge orante, se tenant en prière avec ses enfants.
2) Pureté Restons encore au Mont Carmel. Quand Élie voit le petit nuage s’élever de la mer Méditerranée et venir en sa direction, il comprend. Dans la tradition de l’Ordre du Carmel, qui s’appuie sur l’enseignement des Pères de l’Église (et en particulier de saint Ambroise de Milan), voilà en effet ce qui se passe : « Quand le serviteur d’Élie vit le petit nuage se lever depuis la mer, Dieu révéla à Élie qu’une certaine jeune fille, la Bienheureuse Marie, symbolisée par ce nuage […] n’ayant aucune noirceur en lui, naîtrait exemptée de tout péché […]. À sa naissance, cette enfant serait préservée de tout péché, tout comme ce nuage » (Speculum, Philippe Ribot). Le prophète Élie voyait, dans ce petit nuage blanc, une préfiguration de la Vierge Marie. De même que ce petit nuage pur s’avança et répandit sur terre une pluie si généreuse qu’elle permît le retour à la vie, de même Marie de Nazareth, immaculée, permît au Ciel de s’ouvrir et de répandre sur terre la grâce du salut et de la vie, par l’incarnation du Verbe. Les fidèles de Notre-Dame du Mont Carmel, se tenant en prière avec elle, méditant la Parole de Dieu avec elle et cherchant comme elle à mettre en pratique la volonté divine, perçoivent que « [Dieu] virginise, qu’il imprime en nous sa divine beauté », comme le souligne sainte Élisabeth de la Trinité (dans sa lettre n°126). Oui, la prière et la vie chrétienne « virginisent » nos âmes (pour reprendre cette expression chère à sainte dijonnaise). Notre-Dame du Mont Carmel virginise, rend purs les enfants qui viennent à elle, combien même ils seraient de grands pécheurs. La protection maternelle de Notre-Dame du Mont Carmel est de revêtir ses enfants du salut qu’est son propre Fils, s’efforçant de virginiser leur âme pour les préserver des flammes de l’Enfer. Car Notre-Dame est Mère, et comme pour toute mère, il n’y a pas de plus grande crainte que de voir périr ses enfants … La Vierge du Carmel est pleine de vie, et elle offre en partage la pureté de la Vie de son Fils Jésus-Christ.
3) L’humilité Revenons une nouvelle fois à la première lecture, et à ce qui se passe sur le Mont Carmel. Élie apprend qu’un nuage s’avance, un nuage « gros comme le poing », c’est-à-dire petit, et il comprend que ce nuage est « petit en raison de son humilité » (P. Ribot). Il est humble comme la Vierge Marie. Marie est la femme humble par excellence, et en cela elle nous entraîne à l’imiter. Pour la petite Thérèse, c’est bien l’humilité de Marie qui a ravi le cœur de Dieu ; l’humilité, « cette vertu cachée [et] toute puissante », écrit-elle dans son dernier poème. Pour la grande Thérèse, l’appel est également très clair : « Imitons la grande humilité de la Vierge très sainte dont nous portons l’habit » (CP 13,3) au Carmel. Pour la Madre, Notre-Dame du Mont Carmel entraîne ses enfants dans cette vertu mariale par excellence ; celle de l’humilité. Et de rajouter que plus on est humble, plus on est véritablement enfant de la Vierge. Vraiment, il est bon de se placer sous le manteau protecteur de Notre-Dame du Mont Carmel. Avec elle, prions encore et sans cesse, laissons Notre-Seigneur virginiser nos âmes, et demandons, recherchons l’humilité mariale, vertu cachée et toute-puissante sur le cœur de Dieu.
Fr. Cyril Robert - (Couvent d’Avon)