Sainte Thérèse de Lisieux est certainement la plus connue des saintes françaises à travers le monde. Alors que presque personne n’avait assisté à ses funérailles, c’est un ouragan de gloire qui en quelques années parcourut la terre. Morte à 24 ans le 30 septembre 1897 au carmel de Lisieux, elle y était entrée à l’âge de 15 ans. Béatifiée il y a 100 ans, le 29 avril 1923, elle fut canonisée dès 1925 par Pie XI puis proclamée patronne secondaire de la France en 1944 par Pie XII, un mois avant le débarquement en Normandie. La basilique, érigée en son honneur sur la colline et qui surplombe la ville, a été construite en un temps record grâce aux offrandes venues du monde entier. Le 19 octobre1997, Jean-Paul II l’a proclamée Docteur de l’Église, titre réservé à ceux qui ont particulièrement bien compris et mis en valeur le message de l’Évangile, la plus jeune des 33 docteurs. Bref, un ouragan de gloire !
Trois mois avant de mourir, Thérèse exprimait le désir de passer son ciel à faire du bien sur la terre, à y faire tomber une « pluie de roses », comme elle avait dit un jour. Son intuition s’est réalisée, très peu de temps après sa mort, des guérisons et des conversions en grand nombre ont été obtenues grâce à son intercession, en particulier pendant la première guerre mondiale. C’est à cause de toutes ces faveurs que le peuple chrétien s’est mis à la prier de plus en plus et à recevoir son enseignement, sa petite doctrine. Un an après sa mort, en 1898, on a publié l’Histoire d’une âme, un ouvrage de 475 pages contenant surtout le récit de sa vie. La supérieure de la communauté - qui était l’une de ses propres sœurs, Mère Agnès - lui avait en effet demandé en 1895 de raconter ses souvenirs d’enfance. La petite carmélite de 22 ans ne s’imaginait évidemment pas que ces pages allaient être traduites quelques années plus tard dans plus de 60 langues et permettre à des millions de lecteurs de mieux comprendre le message de l’Évangile.
Au cours de sa brève existence, Thérèse a suivi Jésus, et comme lui, elle a su à la fois porter sa croix et reconnaitre la puissance de la miséricorde. À l’âge de quatre ans et demi, elle perd sa mère. Quatre ans plus tard, Pauline, sa "seconde maman" entre au Carmel et Thérèse en tombe malade. Guérie par le sourire de la Vierge, elle n’est libérée qu’à l’âge de quatorze ans de ses pleurnicheries d’enfant trop sensible lors de la fameuse grâce de Noël ; « Ce fut le 25 décembre 1886 que je reçus la grâce de sortir de l’enfance, en un mot la grâce de ma complète conversion » écrira-t-elle. Moins d’un an après, elle entre au Carmel de Lisieux, et elle verra son père enfermer dans un hôpital psychiatrique, avec les médisances qui vont de pair. Elle souffre beaucoup de l’humidité glaciale de certains hivers normands et atteinte par la tuberculose, elle mourra à la suite d’une agonie particulièrement terrible, et qui était redoublée par une nuit de la Foi dans laquelle elle était entrée à Pâque 1896.
Cependant Thérèse conserva un merveilleux sourire au milieu de toutes ces épreuves. Les raisons de cette joie ? Thérèse avait reçu la grâce de comprendre de façon lumineuse à quel point elle était une « enfant chérie » du Bon Dieu. En relisant sa vie, Thérèse se plaît à repérer toutes les délicatesses du Seigneur à son égard. « Si je n’ai pas commis beaucoup de péchés durant ma jeunesse, pense-t-elle, c’est que j’en ai été spécialement préservée par la Miséricorde du Seigneur : je suis si "faible’ que Jésus s’est arrangé pour que je ne sois pas trop tentée ! » Cependant, dans les derniers mois de sa vie, de Pâque 1896 à sa mort, elle fut terriblement tentée de douter de l’existence du Ciel au moment même où la tuberculose a commencé à ravager son organisme, grâce de la nuit de la Foi qui lui permit de communier davantage au drame de tous les incroyants.
Aimée de Dieu, Thérèse veut L’aimer à son tour de tout son cœur. Elle sait que Dieu reçoit avec plaisir le moindre de ses sourires et qu’elle peut contribuer ainsi au salut du monde, à la conversion des pécheurs. À force de prières et de sacrifices, elle a obtenu dans sa jeunesse la conversion d’un grand criminel de l’époque, Pranzini qui, quelques secondes avant d’être guillotiné, a embrassé le crucifix que lui tendait l’aumônier.
Thérèse croit en effet profondément à la Miséricorde du Père, telle que Jésus nous en parle dans l’Évangile. « Je le sens, écrit-elle à la fin de son dernier manuscrit, si j’avais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient à Lui. Ce n’est pas parce que le bon Dieu, dans sa prévenante miséricorde, a préservé mon âme du péché mortel que je m’élève à Lui par la confiance et l’amour ». Thérèse explique souvent à ses correspondants que le souvenir de leurs péchés doit toujours provoquer dans leur cœur un chant d’action de grâce, c’est à travers nos fautes que le Père révèle la profondeur insondable de son amour.
Thérèse nous rappelle enfin que la réussite d’une vie ne tient pas à l’importance, ni au succès des œuvres que nous y aurions accomplies, mais à la valeur de l’amour avec lequel nous nous serons livrés à toutes ces activités. Au regard du monde la petite carmélite de Lisieux n’a pas fait grand-chose à l’intérieur des murs de son petit monastère de province. Mais elle a mis beaucoup d’amour à rendre les services qu’on lui demandait (balayage des cloîtres, confection d’images, composition de poèmes, rédaction de ses cahiers de souvenirs, etc.). Au lieu de se désoler de ne pas se livrer à des activités plus brillantes, elle s’émerveillait à la pensée que le Seigneur se plaisait à recevoir jour après jour, tous ses actes d’amour. Elle voulait être, dans l’Église, celle qui aime beaucoup. Dans le Cœur de l’Église, ma Mère, écrivait-elle un an avant de mourir, je serai l’Amour !"
Il n’aura fallu que 24 ans à Thérèse Martin pour devenir « la plus grande sainte des temps modernes » (Pape Pie X). Elle franchit à l’âge de 15 ans de multiples obstacles pour entrer au Carmel où elle désire prouver son amour au Christ qui l’appelle à donner sa vie pour le monde. Devenue Thérèse de l’Enfant Jésus, elle choisit de faire une confiance totale au Seigneur et de devenir de plus en plus petite pour s’abandonner à Lui. Pour cela, elle vit jusque dans les petites choses sa "voie de confiance et d’amour" qu’elle voudrait transmettre au monde. C’est ce qui se réalise, après sa mort, avec la publication de "Histoire d’une âme". Ce livre, où elle raconte sa vie, va conquérir le monde : « la petite voie » née de l’évangile est un chemin de sainteté proposé à chacun là où il en est. Amen