Textes liturgiques : Sg 7, 7-14 ; Rm 8, 14-17.26-27 ; Jn 7, 14-18.37-39
« Seul, celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé est véridique et il n’y a pas en lui d’imposture » (Jn 7, 18).
Cette phrase de l’Évangile est très belle ; elle nous parle de vérité et d’humilité. Deux mots clés qui peuvent nous aider à dire quelque chose de Notre Mère Sainte Thérèse de Jésus. L’Église, d’ailleurs, nous la propose comme Docteur, reconnaissant ainsi qu’en elle, il n’y a pas d’imposture.
Teresa fut dès son enfance une assoiffée de vérité. Dans le Livre de la vie, elle écrit qu’elle a toujours eu « une horreur naturelle du mensonge » (V 40, 4). Très vite, elle découvre que la vérité n’est pas dans les choses visibles, mais qu’elle se trouve dans ces réalités invisibles que révèle la Parole de Dieu : « Dieu me faisait la grâce, tout enfant que j’étais d’imprimer en moi le chemin de la vérité » (V 1, 4).
Dieu, Teresa le rencontre et le connaît dans son Fils, Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme. Un court moment, elle fut tentée de croire que l’on pouvait dépasser l’Humanité du Christ ; toutefois très vite, elle se ressaisit et affirme que ce n’est que par la méditation de l’Humanité concrète de Jésus que nous pouvons pénétrer les mystères de Dieu. Et c’est en considérant les attitudes, les paroles et les actions de Celui qui est la Vérité, qu’elle découvre le chemin qui conduit à la perfection. Il faudrait ici relire le beau passage du chapitre 22 du Livre de la vie où Teresa nous parle de l’humanité du Christ et de son rôle dans notre vie : « Notre bon Maître est pour nous la source de tous les biens : lui-même vous enseignera. Regardez sa vie, il n’est pas de meilleur modèle. Avoir à son côté un tel ami qui n’abandonne pas, comme les amis du monde, dans les épreuves et les difficultés, que peut-on souhaiter de plus ? Heureux celui qui l’aimera véritablement et qui l’aura toujours près de soi ! » (V 22, 7). Il est l’ami excellent, le véritable ami ; il est l’Amour qui appelle l’amour…
Ce souci de la vérité conduit Teresa à découvrir le Dieu créateur et à se découvrir en retour comme créature face à son Créateur : « Ce grand Dieu veut que nous reconnaissions sa souveraineté et notre misère » (VIe D 1, 12). L’être qui s’est formé dans les ténèbres mensongères est pétri de mensonges. Il court au néant s’il s’éloigne de Dieu car il a été créé par dieu et pour Dieu.
Dans cette quête de la vérité, Teresa voit que l’être humain peut être trompé et s’égarer. Elle craint fortement l’illusion et l’erreur. Elle ne met pas sa confiance dans ses propres lumières, ni dans les révélations qu’elle reçoit. Cela se manifeste par les nombreux théologiens et confesseurs auxquels elle s’adresse et demande des conseils, les suppliant de vérifier que ce qu’elle vit est « conforme à la Sainte Écriture » (V 25,13). Elle n’a de cesse de soumettre tout ce qu’elle vit jusqu’à l’obtention d’une réponde de l’Église.
Dans sa recherche de la vérité, Teresa est animée d’une profonde humilité. L’humilité est la pierre de touche des autres vertus et le principe de tout progrès spirituel. « Ainsi, mes sœurs, le meilleur, à mon avis, c’est de se mettre en la présence de Dieu, de considérer d’une part sa miséricorde et sa grandeur, de l’autre notre bassesse. Et après cela, qu’il nous envoie ce qu’il lui plaira : eau ou sécheresse. Il sait mieux que nous ce qu’il nous faut » (Vie D 6,9). L’humilité est pour elle la vraie manière de se situer face à dieu et d’obtenir ainsi ses bienfaits : « Imitons mes filles la grande humilité de la Vierge très sainte dont nous portons l’habit » (C 13,3).
Dans les Appendices aux Pensées, Pascal écrit : « Comme la grandeur de sainte Thérèse : ce qui plaît à Dieu est sa profonde humilité dans ses révélations ; ce qui plaît aux hommes sont ses lumières. Et ainsi on se tue d’imiter ses discours, pensant imiter son état ; et pas tant d’aimer ce que Dieu aime, et de se mettre en l’état que Dieu aime » (n° 9). Or ce qu’Il aime en Thérèse, c’est son humilité.
Humilité qui conduit à la vérité.
La Santa Madre Teresa aime à dire : « l’humilité n’est autre chose que marcher dans la vérité » (VIe D 10, 7).
Et il y a une vérité de l’être carmélitain, de la réforme qui lui tient à cœur : « Enfin, s’il arrive que vos prières, vos désirs, vos disciplines, vos jeûnes ne se rapportent plus au but que je vous ai indiqué [prier pour les défenseurs de l’Église (C 1, 2)], dites-vous que vous ne remplissez plus la fin pour laquelle le Seigneur vous a réunies en ce lieu » (C 3, 10).
La tradition rapporte qu’après avoir lu le Livre de la vie, Edith Stein s’est exclamée : « Là est la vérité ». Elle écrira plus tard : « Avec les Confessions de saint Augustin, aucun livre de la littérature universelle n’est marqué comme la Vie de Thérèse du sceau de la vérité, aucun livre n’éclaire d’une lumière aussi pénétrante les plis secrets de notre âme, ni ne livre un témoignage aussi émouvant des “miséricordes de Dieu” » (Art, 107).
Dans la Prière de l’Église, elle s’interroge :
« Qu’est-ce qui donna donc à cette religieuse, qui consacra à la prière des décennies de sa vie dans la cellule d’un monastère, le désir ardent d’œuvrer pour la cause de l’Église et la lucidité pour discerner la détresse et les besoins de son temps ? »
Elle donne elle-même la réponse : « elle vivait dans la prière et se laissait toujours plus profondément attirer par le Seigneur à l’intérieur du “château” de son âme, jusqu’à cet appartement secret où il put lui dire “qu’il était temps qu’elle se charge désormais de ses intérêts à lui comme des siens propres, et qu’il prendrait soin de ses intérêts à elle.” C’est pourquoi elle ne put faire autrement que de “…brûler d’un zèle ardent pour le Seigneur, le Dieu des armées” (Paroles de notre saint père Elie, qui ont été retenues comme devise dans le blason de notre ordre). Celui qui se donne sans réserve au Seigneur est choisi comme instrument pour construire son royaume. L’histoire officielle ne dit rien de ces forces invisibles et inestimables. Mais la confiance du peuple croyant et le jugement de l’Église, qui examine longuement et pèse avec prudence, les connaissent. Et notre temps se voit de plus en plus contraint, quand tout le reste a échoué, à placer son dernier espoir de salut en ces sources cachées » (Prière de l’Église).
Aujourd’hui, nous fêtons le Dies natalis de Notre Mère Sainte Thérèse. Souvenons-nous qu’après avoir reçu pour la dernière fois l’Eucharistie, elle murmure : « Je vous remercie mon Dieu de m’avoir fait fille de votre sainte Église ! ».
Quelle intercède pour nous, en ce jour, pour que nous soyons ce que nous devons être : vivant dans la vérité de notre condition de créatures, c’est-à-dire dans l’humilité, nous pourrons cheminer vers la Vérité et prendre pour modèle de Christ Jésus, pour devenir fils et filles dans le Fils unique, pour devenir fils et filles de l’Église, pour accepter comme un don, l’Alliance qui nous est proposée pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Amen.