Une union d’amour - 14/12/23 (Solennité de St Jean de la Croix)

donnée au couvent d’Avon

Lectures de la messe au Missel du Carmel  : Isaïe 43, 1-5 ; Ps 138 ; Romains 8, 14-18, 28-30 ; Jean 17, 17-26

Ne crains pas, car je t’ai racheté … Parce que tu as du prix à mes yeux, que tu as de la valeur et que je t’aime.

Ces paroles du prophète Isaïe, une vraie déclaration d’amour, sont les bienvenues pour célébrer solennellement notre Père saint Jean de la Croix. Réformateur du Carmel, à la suite et avec sainte Thérèse d’Avila, celui qu’on appelle le Docteur mystique, fut proclamé docteur de l’Eglise en 1926 par Pie XI. Ce qui apparaît bien tard, deux siècles après sa canonisation. Il y a un écart de 105 ans entre leur canonisation (1726 et 1621), alors qu’il y a seulement 9 ans d’écart entre leur décès. Cela manifeste bien la différence de notoriété entre les deux saints dans l’histoire de l’Église.

Il fut connu en France peu de temps après sa mort, dès le début du XVIIe siècle, par des traductions d’une partie de ses œuvres, mais dans des cercles étroits, religieux(ses) du Carmel et de rares laïcs, une élite spirituelle. Il faut attendre le XXe siècle pour qu’il commence à être un peu plus connu. Ce constat n’enlève rien à la grande valeur de l’œuvre littéraire de notre Père saint Jean de la Croix, de très beaux poèmes et des écrits en prose très denses qui passent en général pour être difficile à lire.

Aujourd’hui, en ce 14 décembre, nous pouvons rendre grâce à Dieu d’avoir donné un tel homme au Carmel et à l’Église. Cet homme aimait la Parole de Dieu, il en était profondément nourri, elle est présente dans l’ensemble de son œuvre, tout comme dans celle de la petite Thérèse qui dit combien Jean de la Croix a été important pour elle.

A la fin du jour, nous serons jugés sur l’amour, une de ses maximes les plus connues (Petit traité pour Françoise de la Mère de Dieu du carmel de Béas, n°58) qui témoigne du primat de l’amour pour lui. Les trois lectures de la messe disent l’amour de Dieu. L’amour pour son peuple, ses enfants appelés selon le dessein de son amour dit saint Paul ; l’amour entre le Père et le Fils ; l’amour du Fils pour ses frères. L’Évangile de cette fête, extrait du chapitre 17 de saint Jean, est un sommet des Écritures, la prière intime de Jésus à Dieu le Père. Si l’amour est le thème principal des trois lectures, un autre thème est bien présent, celui de l’unité : Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi.

Notre Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, vit l’unité d’une manière sans pareille. Cette unité mystérieuse de la Sainte Trinité, Jésus veut la communiquer aux disciples, pour qu’ils vivent de cette unité.

L’unité des disciples est un don de Dieu, elle n’est possible que dans la grâce de Dieu, elle est le fruit, l’aboutissement de la grâce de Dieu. Sans une relation vraie avec Dieu, sans la recherche de l’union avec Dieu, l’unité, l’union entre les humains est impossible. Les deux thèmes se rejoignent : l’amour et l’unité sont intrinsèquement liés. Sans amour, il n’y a pas d’unité possible. Si la Sainte Trinité est unie, c’est parce qu’elle est l’Amour. Jean de la Croix avait bien compris cela, sa vie durant, dans ses actions comme dans ses écrits, il a œuvré pour favoriser l’union de l’homme avec Dieu et l’union entre les hommes sous le regard de Dieu.

On sait combien il a été meurtri, dans son corps et dans son âme, par les divisions entre frères, sans que cela ne détruise son chemin d’union à Dieu, sa montée du Mont Carmel. Cette union à Dieu qui traverse toute son œuvre, il faut la comprendre comme une union d’amour, c’est-à-dire la passion de Dieu pour l’homme et la passion de l’homme pour Dieu. C’est cet amour-passion qui explique que pour Jean de la Croix, Dieu est à chercher, à désirer non pas pour les biens qu’Il peut donner mais seulement pour Lui-même. Et c’est cela qui permet d’entrer vraiment dans le mystère de la Croix, de Celui qui consent à la souffrance, jusqu’à donner sa vie, pour un plus grand bien, le salut de ses amis, de ses frères.

Cet amour naît et se déploie dans la foi, l’espérance et l’amour qui permettent de traverser toutes les nuits, toutes les obscurités de la vie. Croire, espérer, aimer se traduisent dans des actes qui préparent et réalisent l’union d’amour. Là où il n’y a pas d’amour, mettez de l’amour, et vous recueillerez de l’amour écrit-il moins de six mois avant sa mort à la prieure des carmélites de Ségovie (LT 47 du 6/7/1591). Dans ce temps de l’Avent, avec saint Jean de la Croix, apprenons à vivre de foi, d’espérance et d’amour, pour avancer sur le chemin de lumière vers le Sauveur, l’Emmanuel, l’Enfant-Dieu que nous adorerons à la crèche.

Fr. Robert Arcas, ocd - (couvent d’Avon)
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