Textes liturgiques : Sg 7,7-14 ; Rm 8,14-17.26-27 ; Jn 7,14-18.37-39
Il y a maintenant un peu plus de 500 ans naissait en Castille celle qui deviendra plus tard Thérèse de Jésus. Encore aujourd’hui, nous ne pouvons que nous émerveiller devant le génie et la profondeur d’une telle sainte qui vient éclairer notre chemin au Carmel car elle est pour nous notre Mère, la Madre comme nous aimons l’appeler avec affection. Il y a quelque chose de vraiment prophétique à saisir dans la personne de sainte Thérèse car son message reste d’une actualité brulante pour le Carmel mais aussi pour tous ceux qui voudront bien se pencher sur ses écrits, un chemin d’amitié avec le Christ. Le 27 septembre dernier, nous fêtions justement les 50 ans de sa proclamation comme Docteur de l’Église, la première femme à recevoir cette reconnaissance.
Dans une époque de réforme où le roi Philippe II a décidé de reprendre en main les ordres religieux qui sont établis dans le Royaume d’Espagne, alors que l’Europe se déchire dans des querelles sanguinaires entre catholiques et protestants, sainte Thérèse est bien dans le monde de son temps et va apporter sa contribution notamment par la réforme de l’Ordre du Carmel pour laquelle elle va rencontrer un vif succès. Aujourd’hui, on peut constater que presque tous les monastères de carmélites ont pris la réforme qu’elle avait initiée (pour être vraiment juste, il y a dans le monde quelques monastères de l’ancienne observance) ainsi que deux tiers des frères (4000 réformés et 2000 de l’ancienne observance). Face au combat qui faisait s’affronter catholiques et protestants aux portes du Royaume d’Espagne – notamment en France –, elle a entrainé ses filles à entrer toujours plus dans le combat de la prière et de la foi, à être de vibrants défenseurs de l’Évangile par l’oraison. Dans cette époque de conquête où les échos des conquistadors venaient bercer les soirées au coin du feu, sainte Thérèse reprenant cette image de conquête et de guerre assigne une place aux carmélites, un soutien pour ceux qui se retrouvaient en première ligne, les « capitaines ». On l’entend dire à ses filles dans le Chemin de Perfection (CV 3,5) : « Je vous demande donc de tâcher d’être telles que nous méritions d’obtenir de Dieu deux choses. L’une, qu’un grand nombre des très nombreux hommes doctes et religieux qui existent aient les qualités voulues, comme je l’ai dit ; et que le Seigneur donne de bonnes dispositions à ceux qui ne seraient pas bien disposés, car un parfait sera plus efficace que beaucoup d’imparfaits. L’autre, qu’engagés dans le combat qui, comme je l’ai dit, n’est pas sans dangers, le Seigneur les tienne par la main pour qu’ils évitent les périls du monde et bouchent leurs oreilles au chant des sirènes en cette mer périlleuse. » On voit ici la force que sainte Thérèse attribue à la prière pour soutenir l’Église et ceux qui sont en « première ligne ».
Aujourd’hui en 2020, nous pouvons légitimement nous questionner sur les combats à mener, sur ce que notre monde attend ou tout du moins a le plus besoin tout en n’en étant pas forcément bien conscient. Cette pandémie qui parcourt le monde doit être pour nous source d’interpellation. Il y a une juste attitude à trouver entre une négation de la crise sanitaire et un repli sur soi, comment l’Évangile continue d’être annoncé, comment rejoindre tous ceux qui sont fragilisés, tous ceux qui dans les mois qui viennent vont être laissés au bord du chemin.
Le pape François, par sa troisième encyclique, Fratelli Tutti, donne une réponse pour l’Église universelle, l’interprétation qu’il donne de la parabole du bon samaritain y est lumineuse, cette encyclique est prophétique car elle ouvre un chemin, une réponse pour notre monde, bien au-delà de la pandémie qui nous affecte ces derniers mois et malheureusement pour encore quelques mois. Et nous que répondons-nous ? On peut se féliciter du texte du pape François, on peut l’applaudir mais nous, comment allons-nous nous convertir, changer notre cœur, notre regard pour nous rendre attentifs aux détresses de notre monde. Cela doit passer par du faire, de l’action, le bon samaritain n’est pas resté les bras croisés et, en même temps, il a su trouver les relais pour que le blessé soit soigné, il l’a confié à l’aubergiste qui a pris la suite jusqu’à la guérison complète. Nous ne pouvons certainement pas tout faire mais nous pouvons faire notre part.
Comme disciples de sainte Thérèse, il y aurait quelque chose à creuser en lien avec la dernière encyclique autour de la relation puisque sainte Thérèse nous propose l’oraison comme une relation d’amitié, souvenez-vous de sa définition : « L’oraison n’est rien d’autre, à mon avis, qu’une relation d’amitié où on s’entretient souvent et intimement avec celui dont nous savons qu’il nous aime. ». Comment la relation à Dieu qui se vit dans l’oraison rejaillit dans notre relation entre frères et sœurs entre nous mais aussi au-delà de nos murs, Fratelli Tutti ? Amen.