Textes liturgiques (année B) : Dn 7, 13-14 ; Ps 92 (93), Ap 1, 5-8 ; Jn 18, 33b-37
« Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » Pilate de répondre : « Qu’est-ce que la vérité ? » Puis, il tourne le dos à Jésus. Le débat est clos. Pilat est dubitatif, comme beaucoup d’entre nous, peut être, sont tentés de l’être. Qu’est-ce que la vérité ? La science ne nous est pas d’un grand secours ici, et vient même mettre un peu plus de flou, de trouble.
Nous aimerions avoir une vérité mathématique, une vérité en soi, qui ne laisse place à aucun doute. Nous aimerions avoir quelqu’un qui nous dise tout ce qu’il faut faire. Que serait alors notre liberté ?! Pourtant, ce qui nous est donné à contempler ici, c’est qu’il y a bien une vérité et qu’elle tourne autour d’une royauté. Jésus est venu vers nous, jusqu’à nous. Son témoignage va aboutir à un refus plus cinglant encore que celui de Pilate, car nous allons le mettre en croix.
La parole se serait définitivement tue, s’il n’y avait eu la résurrection. S’il n’y avait eu la révélation de l’amour plus forte que nos refus, plus forte que nos haines. Jésus vient pour témoigner, pour une parole, pour ouvrir une relation. Tout alors prendra sens s’il nous est donné d’accueillir cette parole, la laisse pénétrer jusqu’à l’intime de notre être, jusqu’au fond de notre âme.
Lorsque le cœur s’ouvre, tout devient tellement plus clair. « Ma royauté n’est pas de ce monde. » Nous le comprenons alors. Dans ce monde, les étoiles dansent, les atomes danses et tout bouge et se transforme. Notre corps animé deviendra cadavre, puis poussières d’étoiles. Mais il y a plus grand : l’amour est éternel, il fait danser les étoiles et les atomes ; il fait de nos corps de chair des corps de lumière. Cet amour qui vient se révéler en notre monde se manifeste en Jésus, lui le maître et Seigneur, lui qui s’agenouille devant ses apôtres pour laver leurs pieds. Là, Jésus révèle sa royauté. Il s’y montre infiniment vulnérable, comme sur la croix. Cette royauté n’est décidément pas de ce monde. A la résurrection cependant, il nous montre que l’amour dont il témoigne est invincible.
Oui, il y a une vérité ; oui le monde a un centre, et c’est cette royauté divine que nous révèle Jésus en sa personne. Cette royauté nous est donnée : « À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. » Ap 1
Point de démonstration, point de grands discours, mais une interpellation adressée à notre liberté. Une relation nous est proposée en Celui qui s’abaisse jusqu’à nous, qui prend l’initiative de la parole. La vérité, c’est une relation vivante et vivifiante qui nous est proposée. L’eucharistie en est le sommet. Dieu n’est pas un bout de pain qui vient se loger dans notre ventre, c’est une relation vivante qui s’ouvre à nous et vient jusqu’au plus profond de notre être. En Jésus, en son corps donné et son sang versé, s’ouvre ce que nous avons fermé depuis les temps anciens. Dieu vient régner, mais ce n’est pas à la manière des puissants de ce monde en manifestant leurs pouvoirs de domination et de contraintes. Les puissants de ce monde se grandissent en nous rapetissant. Nous obéissons tout en étant révoltés intérieurement.
En Jésus, c’est en nous que cette royauté se situe. C’est une relation qui s’ouvre par le dedans dans la pleine adhésion de tout notre être. Jésus en s’agenouillant vient mendier notre amour, solliciter note adhésion. Dans ce geste d’infini respect, il nous élève à notre dignité première. Ce Royaume dont Jésus vient témoigner est le royaume du cœur, d’un cœur à cœur. Vous comprendrez alors le sens de ce que l’on appelle l’oraison au Carmel : prendre du temps pour accueillir cette présence silencieuse et aimante. (Invitation à lire la lettre encyclique du Pape Dilexitnos sur le cœur de Jésus.)
Fr. Yannick Bonhomme, ocd - (https://www.carmes-paris.org)