Courant juin, aux États-Unis, il y a eu tout un mouvement pour déboulonner les statues « contestées » du passé, cette fièvre a ensuite atteint notre continent européen. Ces dernières années, on peut dire qu’un certain nombre de fondateurs de congrégations, de familles religieuses, d’instituts etc. sont tombés de leur piédestal, faut-il s’en émouvoir, s’en plaindre comme j’ai pu le lire il n’y a pas si longtemps dans l’un ou l’autre article ? Ni s’en émouvoir, ni s’en plaindre je crois, c’est juste remettre les personnes à leur place, à leur juste place et ne pas canoniser trop vite ceux que l’on vénère. Dans une époque où les points d’appui et de stabilité disparaissent, il est toujours très tentant de vouloir s’en remettre à un autre pour s’édifier soi-même. C’est là sans aucun doute une des raisons des dérives car on aura beau accuser l’autre de tous les maux, de le rendre responsable de tout, il y a une démission existentielle dommageable de tout miser sur quelqu’un, un être de chair… Si un saint n’est pas quelqu’un de parfait, on le conçoit aisément, un saint est quelqu’un qui s’est laissé traverser par Dieu dans toute son humanité afin que rien ne reste caché et sombre mais bien que la lumière divine vienne y débusquer son péché.
« Je vis une foule immense que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils étaient debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches et tenant des palmes à la main ». Ce célèbre passage de l’Apocalypse (7,9), que nous écoutons lors de la Toussaint (le 1er novembre), peut s’appliquer à la multitude des saints de la famille carmélitaine que nous fêtons en ce jour. Avec le pape saint Jean-Paul II, le nombre des saints de la famille carmélitaine s’est beaucoup accru, et le mouvement ne semble pas prêt de se ralentir, nous ne pouvons que nous en réjouir. La sainteté de tant de frères et sœurs qui nous ont précédés, qu’ils soient carmes, carmélites ou bien séculiers (OCDS), c’est bien d’avoir fait le pari de se laisser guider par Dieu, de laisser sa lumière nous pénétrer, nous irradier.
Et en même temps, un grand théologien contemporain, Hans Urs von Balthasar, vient nous interpeller : « Nous devrions être très réservés et prudents dans le culte de nos martyrs et de nos confesseurs. Pas pour eux, mais pour nous. Si leurs épreuves comportent un moment de gloire, ce n’est certainement pas la nôtre, mais uniquement la gloire de celui pour lequel ils ont souffert et sont morts. Ne nous parons pas des plumes des autres, de celles de Dieu en l’occurrence ». Cette fête de la Toussaint de l’Ordre est bien là pour nous réjouir de la sainteté de tant de frères et sœurs qui nous ont précédés, de tous ces anonymes, car plus on avance en âge, plus on prend conscience que l’on a vécu aux côtés de véritables saints ! Mais c’est surtout pour nous rappeler notre propre appel à la sainteté car la sainteté est un appel pour nous tous ici présents ce midi dans cette chapelle. Puissions-nous avec l’aide du Saint Esprit et de la prière de tous les saints du Carmel, connus et inconnus, nous engager sur ce chemin de la sainteté afin que nous soyons toujours plus configurés à l’image du seul maître : le Christ et fidèle à notre engagement. Amen.