Du temple au Cœur (Ho. 3e dim Carême 03/03/2024)

donnée au couvent d’Avon

Textes liturgiques (année B) : Ex 20, 1-17 ; Ps 18b (19) ; 1 Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25

Le temple de Jérusalem était au centre de la vie religieuse du peuple juif jusqu’à ce qu’il soit détruit. C’était le lieu sacré par excellence, grand, majestueux, où les prêtres célébraient l’alliance avec Dieu en accomplissant les rites et les sacrifices prescrits par la Loi. Le temple était divisé en différentes parties avec des accès réservés à certaines personnes selon la sacralité des lieux. Au centre, se trouvait le Saint-des-Saints, lieu sacré par excellence où résidait la présence de Dieu, seul le grand-prêtre y entrait une fois l’an pour le jour du Grand Pardon. Puis, devant le Saint-des-Saints, il y avait le Saint, lieu habituel des sacrifices offerts par les prêtres. À l’extérieur de l’enceinte sacrée, il y avait un parvis réservé aux femmes et aux jeunes enfants et enfin, encore plus éloigné du Saints-des-Saints, un parvis dit des gentils, c’est-à-dire le parvis où pouvaient accéder les non juifs, les païens, et où se faisait le commerce des changeurs et la vente des bestiaux pour les sacrifices. En effet, les Juifs qui venaient de loin ne pouvaient amener leurs propres bétails et devaient changer leurs monnaies étrangères pour effectuer leurs achats.

C’est sur ce parvis des gentils que Jésus se met en colère contre ce commerce qui dénature le lieu sacré, le temple devait être avant tout le lieu de la rencontre avec le Seigneur, lieu de la prière et des célébrations, même de loin pour les païens. En voulant préserver la valeur spirituelle du Temple, et en soulignant sa vocation d’être le lieu de la rencontre, Jésus nous engage à respecter la présence de Dieu. Et l’évangéliste précise le sens de l’intervention en spécifiant que le Temple dont il parlait, c’était son corps. Tel est bien, en effet, le mystère central de cet épisode. Le corps de Jésus, sa personne est désormais le lieu où Dieu se fait proche et où nous pouvons nous rapprocher de Dieu. L’humanité de Jésus est le lieu privilégié de la présence divine, comme le Temple était le lieu de la présence de Dieu. Paul pourra donc faire un parallèle entre Jésus et le Temple dans l’épître aux Colossiens : «  En lui habite et s’incorpore toute la plénitude de la divinité.  » (Col 2,9).

Ce temple là, ce lieu où l’homme rencontre Dieu, personne ne pouvait et personne ne pourra jamais le détruire, et Dieu le Père l’a signifié publiquement au monde en ressuscitant Jésus. Aussi, l’évangéliste ajoute que ses disciples se rappelèrent qu’il avait parlé ainsi, lorsque Jésus se releva d’entre les morts, et ils crurent à l’Écriture ainsi qu’à la parole qu’il avait dite. La résurrection, en effet, authentifiera les actions du Christ et son message, elle proclamera que Jésus était vraiment l’Envoyé du Père, et que Dieu était bien présent et agissant dans la personne du Christ.

Ainsi, dans le culte nouveau selon la foi chrétienne, la maison véritable de Dieu, ce sera le corps ressuscité du Christ, grâce auquel désormais habite parmi nous la gloire de Dieu. Avec la personne de Jésus, l’évolution de la compréhension de la présence de Dieu d’un lieu géographique vers le cœur de l’homme trouve son achèvement théologique du fait de l’incarnation. C’est ainsi que nous pouvons comprendre le passage de l’épître aux Éphésiens  : «  Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu. En Jésus toute construction s’ajuste et grandit en un Temple saint, dans le Seigneur  ; en lui, vous aussi, vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu, dans l’Esprit.  » Cette nouvelle compréhension de l’alliance et de la présence de Dieu ouvre finalement une nouvelle dynamique, celle de la construction spirituelle du Temple. En effet, pour le chrétien, si la question n’est plus où chercher Dieu, elle devient celle de l’accueil de cette présence de Dieu dans le cœur de l’homme. Nous savons où Dieu habite, notre cœur est marqué par la présence de la Sainte Trinité, désormais, notre travail spirituel n’est plus de chercher, mais de le rencontrer réellement et de laisser prendre toute la place.

C’est pourquoi, chez Saint Paul, la question du Temple, si elle permet de reconnaître la présence divine chez l’homme, est d’abord perçue comme un appel à œuvrer pour la construction spirituelle de ce Temple. «  Nous sommes les coopérateurs de Dieu, et vous êtes la plantation de Dieu, l’édifice de Dieu » (1 Co 3, 9-17) Paul est l’architecte de cette construction, et les chrétiens sont les matériaux, le Christ étant à la pierre d’angle. D’une certaine manière, la dynamique de la construction est inversée par rapport au Temple de la première alliance. Il ne s’agit pas de construire un Temple comme l’a fait Salomon et dans lequel la présence de Dieu va descendre, mais de partir du donné de la présence de Dieu au cœur du croyant pour bâtir une vie qui devienne Temple de Dieu.

Il s’agit donc de s’ajuster à la grâce de Dieu et de grandir spirituellement pour que notre vie, notre être et toute notre personne correspondent au don que Dieu nous a été fait. Nous construisons ainsi le Temple spirituel qui permet de refléter la grandeur de la dignité de la personne humaine. Ainsi, St Pierre en écho à cette doctrine du Temple spirituel appelle à rendre dans ce Temple un culte qui soit véritablement spirituel. «  Approchez-vous de lui, la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie, précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ  » (1P 2).

C’est pour cela qu’en ce temps de carême Jésus adresse à chacun de nous cette invitation pressante : « Ne faites pas de la maison de mon Père, c’est-à-dire de votre cœur et de toute votre vie, une maison de trafic ». Car, Jésus connaît par lui-même ce qu’il y a dans l’homme  ! Pour notre conversion, Jésus nous adresse donc cette question : comment je respecte la présence de Dieu dans mon cœur ? Comment fais-je de ma vie un culte de louange à la gloire de Dieu  ? Comment je respecte toute vie humaine comme le lieu sacré de la présence de Dieu  ? Et c’est pourquoi, la liturgie nous a donné en première lecture les dix commandements, ce sont toujours eux qui guident notre vie spirituelle et morale pour devenir le Temple vivant du Seigneur en aimant Dieu et notre prochain.

Fr. Antoine-Marie Leduc - (Couvent d’Avon)

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